La maigre récolte de 2024 a conduit à une chute des exportations françaises de blé tendre sur la campagne de commercialisation 2024-2025. Mais le manque de compétitivité de la céréale tricolore a aussi été incriminé, vers les pays tiers notamment. Est-il possible de retrouver des parts de marché pour vendre une récolte 2025 que l’on peut, à date, espérer bien plus importante que l’an passé ?

« On a vu que parmi nos destinations habituelles, l’Algérie et la Chine ont été fortement remises en question sur 2024-2025 », a rappelé Julie Garet, cheffe de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer, le 14 mai 2025. À l’échelle de l’Union européenne, l’absence de la Chine dans le « top 5 » des destinations du blé tendre, « changement substantiel » par rapport à l’année dernière, l’illustre bien.

« Est-ce que ces destinations vont pouvoir être de nouveau activées ou faudra-t-il trouver d’autres débouchés sur la prochaine campagne ? », s’est-elle ainsi interrogée lors de la conférence mensuelle de FranceAgriMer, qui a fait suite à son conseil spécialisé grandes cultures. Et l’experte d’ajouter : « on est aussi un peu dans le flou [avec la politique de Donald Trump]. Anticiper ses impacts, c’est compliqué. »

Perte de débouchés

La question est légitime puisque de 51 destinations vers les pays tiers en 2019-2020, le blé français est descendu à 41 en 2023-2024 et à 28 en 2024-2025, a présenté Frédéric Guillemin, directeur du pôle blés de Soufflet négoce by InVivo, le 7 mai 2025 à l’occasion du colloque forum blé tendre Océan Centre Ouest, organisé par Arvalis. Certains pays, autrefois très friands du blé tendre français, ont appris à travailler d’autres origines et s’en sont peu à peu éloignés. « Historiquement, nous travaillions principalement [avec des blés canadiens et français] sur l’Afrique de l’Ouest. Puis en 2016 [avec le manque de qualité et de volumes], nous nous sommes légitimement tournés vers le blé russe », a illustré Charles Quenardel, trader chez Ifaco grain.

« Nos clients, un peu forcés et contraints, ont découvert une origine qu’ils n’ont plus jamais voulu quitter, [avec] des taux de protéines à 12,5 % homogènes et réguliers, année après année. Et depuis le conflit en Ukraine, nous avons ouvert encore un peu plus le spectre des origines », a-t-il ajouté. L’évolution des exportations russes est éloquente : « de quasi importateurs en 2000, le pays est aujourd’hui le premier exportateur mondial avec un peu plus de 45 millions de tonnes », a rappelé Yannick Carel, chargé d’études économiques à Arvalis. De même une hausse importante des exportations sur la période est observée en Ukraine, à l’inverse des États-Unis. « Pour l’Union européenne, on a vu une progression jusqu’en 2020 puis une stagnation avec 33 millions de tonnes », a-t-il détaillé.

L’Égypte revient aux achats

Note plus positive, Frédéric Guillemin a rappelé que même si elle devait continuer de faire valoir la qualité de ses blés pour se maintenir sur le devant de la scène, la France restait le premier exportateur de blé tendre européen.

En attendant, FranceAgriMer a rehaussé en mai ses prévisions d’exportations vers les pays tiers sur la campagne 2024-2025, de 100 000 tonnes par rapport aux projections d’avril pour atteindre 3,2 millions de tonnes. « On constate un retour de l’Égypte aux achats de blé français. Les exportations sont aussi relativement dynamiques vers le Royaume-Uni », a justifié le 14 mai Habasse Diagouraga, chargé d’études économiques sur le marché français des céréales à FranceAgriMer.

La France a d’ailleurs enregistré en mars son plus gros volume exporté de la campagne, à 1,2 million de tonnes (contre 1,9 million en mars 2024), selon les douanes françaises. De même, FranceAgriMer revoit à la hausse ses prévisions d’exportations vers les membres de l’Union européenne, de 127 000 tonnes, à 6,5 millions de tonnes. Cela porterait les ventes totales à 9,85 millions de tonnes de grains sur 2024-2025. Ces augmentations conduisent à une révision à la baisse des stocks de fin de campagne, à 2,6 millions de tonnes, contre 3,2 en 2023-2024 et 2,5 en 2022-2023.