« Après le Covid en 2020 et l’invasion de l’Ukraine en 2022, nous arrivons maintenant sur un troisième choc, le choc trumpien », a déclaré d’entrée de jeu Philippe Chalmin, professeur émérite à l’université Paris Dauphine, lors de la présentation du dernier rapport Cyclope sur les marchés mondiaux, le 13 mai 2025 à Paris.
Le codirecteur de cette 39e édition présage, comme lors des précédentes éditions, la fin du multilatéralisme voire celle de structures historiques comme l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. « Plus que jamais, c’est l’incertitude qui domine, ce qui se traduit par une volatilité extrême sur les marchés », appuie-t-il. Tous les secteurs sont concernés, y compris les marchés agricoles. Dans toute cette nervosité, « la perte de crédibilité des États-Unis comme partenaire fiable » depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir fait office de constante.
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Un accord sous « le jeu du chat et de la souris »
Des négociations sont tout de même à l’ordre du jour entre les États-Unis et certains de ses partenaires commerciaux. C’est notamment le cas du Royaume-Uni, Philippe Chalmin rapportant des « deals » en cours. Avec la Chine aussi : un accord a été conclu le 12 mai dernier à l’occasion d’une rencontre à Genève, en Suisse. Les deux pays suspendent ainsi pour une durée de 90 jours une partie de leurs droits de douane respectifs.
« Dans cet accord, personne n’a gagné, estime Jean-François Di Méglio, président d’Asia Centre, Centre d’expertise et d’études sur l’Asie. Nous sommes probablement dans un processus de jeu du chat et de la souris, qui va durer quelque temps. » L’expert rappelle les problèmes auxquels les deux pays font face : « menace » sur l’investissement dans les bons du Trésor du côté américain, « faiblesses » liées à la démographie et à l’endettement du côté chinois.
La Chine de moins en moins dépendante
S’il faut trouver un perdant à tout prix, Jean-François Di Méglio estime que « dans cette première manche, celui qui a cligné des yeux en premier », est Donald Trump. En effet, les importations chinoises de produits américains tendent à baisser, alors que les exportations de Pékin progressent partout dans le reste du monde. « Il y a un rebasculement entamé depuis longtemps par la Chine pour alléger ses dépendances, et pas seulement envers les États-Unis », précise l’expert.
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Cependant, cette situation ne veut pas dire que tout est rose pour l’empire du Milieu : « Le communiqué du Conseil d’État chinois du 11 mai dernier tient un langage très violent sur le durcissement des relations internationales, ce qui signifie que le précipice n’est pas très loin non plus du côté chinois », analyse Jean-François Di Méglio. Ce dernier suppose que la Chine a des stocks mais s’interroge sur les réserves restantes, en particulier si la guerre commerciale reprend de plus belle passée la trêve.