L’HISTOIRE
Pour se prétendre victime d’une violation des droits reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme, encore faut-il être personnellement touché par la violation alléguée.
Pierre était propriétaire d’un joli mas, situé dans la commune de Mazan (Vaucluse), au pied du mont Ventoux, en zone agricole du plan local d’urbanisme où n’étaient autorisées que les constructions nécessaires à l’activité agricole. Lui reprochant d’avoir aménagé dans le mas plusieurs appartements à usage d’habitation qu’il avait donnés à bail, la commune l’avait assigné en remise en état.
LE CONTENTIEUX
Pierre n’avait pas l’intention d’obtempérer aux injonctions de la commune et n’entendait pas demander à ses locataires de quitter les lieux pour démolir les logements. Son avocat, qui connaissait le droit européen, avait invoqué devant le tribunal l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile. Aussi, le juge doit-il s’assurer que l’ingérence dans ce droit est nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi.
Or, la remise en état des logements voués à l’habitation en locaux destinés à l’exploitation agricole avait pour effet de contraindre les locataires à quitter leur domicile. Elle ne pouvait donc, selon lui, être ordonnée qu’après un examen de tous les intérêts en présence. De plus, Pierre avait ajouté que les logements étaient occupés par des familles toutes composées de jeunes enfants.
N’y avait-il pas une atteinte disproportionnée au droit au domicile des locataires en place ?
Pour sa part, la commune avait justifié sa demande de remise en état en démontrant que les logements affectés à l’habitation avaient été réalisés, sans permis de construire et en zone agricole, en méconnaissance du plan local d’urbanisme. Ce document n’autorisait dans cette zone que les constructions ainsi que les bâtiments directement liés à l’activité agricole.
Les juges avaient accueilli la demande de la commune en se plaçant sur le terrain du droit conventionnel. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, pour se prévaloir d’une violation de la Convention, l’intéressé doit justifier qu’il a été personnellement touché par la violation alléguée. Seuls les locataires de Pierre étaient à même d’invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention. La remise en état des bâtiments modifiés en méconnaissance des règles d’urbanisme était bien justifiée car elle répondait à l’intérêt général. La Cour de cassation a validé cette solution.
L’ÉPILOGUE
La solution est sévère pour Pierre. Mais en procédant à des travaux, dont il connaissait nécessairement le caractère illicite, n’a-t-il pas pris le risque de l’action en remise en état formée par la commune ? Il lui appartiendra d’assumer les conséquences auprès de ses locataires, seuls à même d’invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention.