À l’occasion de la semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de publier ce 18 novembre 2025 son rapport annuel sur l’antibiorésistance. L’antibiorésistance reste un enjeu majeur pour la santé humaine, animale et environnementale, rappelle l’Anses qui souligne « le lien direct entre le niveau d’exposition à certains antibiotiques et le taux de bactéries résistances ».

En 2024, les chiffres montrent que la France semble avoir atteint un palier dans la réduction de l’usage des antibiotiques en élevage, après une baisse de 49 % depuis 2011, toutes espèces confondues. En treize ans, la filière bovine a réduit de 15 % son utilisation d’antibiotiques, loin derrière les filières porcine (–65 %) et avicole (–71 %) qui étaient les plus gros consommateurs.

Une exposition légèrement supérieure à l’objectif national

Selon le rapport de l’Anses, l’indicateur d’exposition des animaux d’élevage (ALEA) est quasi stable entre 2023 et 2024 (–0,4 %) pour s’établir à 0,307, soit « une valeur très légèrement supérieure à l’objectif fixé par le plan Écoantibio 3 de 0,3 pour la période de 2023 à 2028 ».

Les niveaux d’exposition aux pénicillines et tétracyclines semblent se stabiliser, tandis que certaines familles repartent à la hausse : macrolides (+5,7 % en un an), aminoglycosides (+2,8 %). En revanche, les polypeptides et les sulfamides reculent nettement, respectivement de –9 et –7 % sur un an. Les antibiotiques considérés comme critiques pour la santé humaine (fluoroquinolones et céphalosporines de troisième et quatrième générations) restent peu utilisés en élevage et ne représentent que 1,2 % de l’exposition totale des animaux aux antibiotiques en 2024.

Des situations contrastées selon les espèces

L’évolution de l’exposition aux antibiotiques varie selon les espèces animales. En 2024, elle augmente chez les bovins (+3 % sur un an) et les lapins (+7 %), tandis qu’elle recule chez les porcs (–1 %) et les volailles (–12 %).

« La baisse de l’exposition en 2024 pour les volailles s’explique principalement par une diminution de l’exposition à la colistine et aux pénicillines, observe l’Anses. Pour les bovins, l’augmentation en un an de l’exposition est principalement liée à une hausse des ventes d’injectables contenant des macrolides, pénicillines ou aminoglycosides, et des poudres et solutions orales de tétracyclines. »

Les évolutions réglementaires se reflètent également dans les pratiques. Les prémélanges médicamenteux incorporés dans l’aliment représentent en 2024 moins de 2 % de l’exposition aux antibiotiques chez les porcs, volailles et lapins, « particulièrement utilisatrices d’aliments médicamenteux dans le passé ». Les poudres et solutions orales représentent désormais 45 % de l’exposition totale des animaux.

Des indicateurs favorables vis-à-vis de la résistance bactérienne

En 2024, l’Anses a collecté 121 872 antibiogrammes, soit une augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente. « Cette progression rend plus robuste l’appréciation de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes chez les animaux en France », souligne l’agence.

Les niveaux de résistance des bactéries Escherichia coli aux antibiotiques critiques atteignent « un palier bas (4-7 %) à très bas (moins de 3 %) chez la plupart des animaux d’élevage ». L’antibiorésistance à Escherichia coli reste marquée chez les caprins (13-15 %). Aucune souche de salmonelle isolée dans les élevages ne présente de résistance aux antibiotiques d’importance critique pour la santé humaine, et 87,5 % d’entre elles restent sensibles à tous les antibiotiques testés.

La multirésistance vis-à-vis d’Escherichia coli continue de diminuer chez la plupart des espèces, notamment pour les animaux d’élevage. Si elle demeure plus faible chez les volailles, elle touche encore 35 % des bovins et 22 % des porcs.

Un décalage entre ventes et usages d’antibiotiques

La collecte des données d’utilisation des antibiotiques par espèce et catégorie animale a été rendue obligatoire par le règlement 2019/6 pour tous les États membres de l’Union européenne. En France, les données sont transmises par les vétérinaires et pharmaciens via la plateforme CalypsoVet.

Malgré une forte progression des déclarations, 82,6 tonnes d’antimicrobiens en 2024 contre 48,7 tonnes en 2023, ce volume ne représente que 28,4 % du tonnage réellement vendu (déclaré par les titulaires d’autorisation de mise sur le marché dans le cadre du suivi des ventes). « Les déclarations d’usage sont donc aujourd’hui loin d’être exhaustives, contrairement à ce que prévoit la réglementation européenne », souligne l’Anses dans son rapport.

Les taux de couverture varient selon les espèces : 19,1 % pour les bovins, 35,2 % pour les porcs, 43,5 % pour les poulets et 37 % pour les dindes. Bien que le nombre de vétérinaires déclarants soit passé de 784 à 4 086 entre 2023 et 2024, cela ne représente que 19 % de la profession. L’Anses appelle donc à une mobilisation renforcée « non seulement pour répondre aux exigences réglementaires, mais aussi pour contribuer à une surveillance efficace de l’usage des antimicrobiens et à la lutte contre l’antibiorésistance ».