Dans la grande salle de l’espace Mouzon à Auch résonne les notes du groupe folklorique gascon de Mirande. Accompagné de leurs couples de danseurs en costume traditionnel, il assure l’animation auprès des adhérents réunis dans le Gers pour le 32e congrès de la Coordination rurale ce 18 novembre 2025. Si ces danseurs, chaussés de sabots, savent assurément sur quel pied danser, la Coordination rurale cherche le sien en ce congrès électif où deux visions s’affrontent pour la présidence.
Pour mener la danse, deux candidats : Véronique le Floc’h, présidente sortante d’un premier mandat de trois ans et Bertrand Venteau, qui a participé à la percée du syndicat aux dernières élections aux chambres d’agriculture en devenant président de la Chambre d’agriculture de la Haute-Vienne. L’issue du scrutin qui mobilise 150 délégués ayant des mandats syndicaux dans les territoires sera connue le 19 novembre dans la journée.
Deux méthodes d’actions s’affrontent
C’est moins une divergence idéologique fondamentale qui divise les deux candidats, qu’une opposition sur la méthode et la stratégique syndicale à adopter pour les années à venir.
« Il n’y a pas de drame, ni de révolution » tempère Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale aux côtés de Véronique Le Floc’h. Cette dernière défend une approche basée sur le « dialogue et la construction », ce qui a permis à son syndicat selon elle de gagner la reconnaissance de la société française. Un travail qu’elle entend « parfaire » durant un nouveau mandat. Christian Convers met en garde contre l’adoption d’une ligne jugée trop radicale en avertissant qu’une approche « type black block » ferait perdre le soutien de la société.
Véronique Le Floc’h défend une Coordination rurale impliquée dans la rédaction des lois, car « tout se décide pratiquement en haut et nous, on subit ». « Pendant de trop nombreuses années, nous n’avons pas été associés à toutes ces rédactions de ces textes qui ont fait qu’aujourd’hui l’agriculture est au fond du trou. On ne peut pas croire que sans y participer et en faisant en sorte que tout ce qui ne nous convient pas soit supprimé, nous y arriverons », ajoute l’éleveuse laitière du Finistère.
La « ligne dure » de Bertrand Venteau
À cette vision d’une Coordination rurale qui s’institutionnalise tout en musclant les compétences de sa tête de réseau nationale s’oppose celle de Bertrand Venteau. Auréolé de sa victoire à l’élection de la chambre d’agriculture de Haute-Vienne, il propose une approche centrée sur le terrain, lui qui reproche à l’équipe nationale du syndicat d’en être éloignée. Il a en travers de la gorge la « non-reconnaissance » par l’équipe nationale de l’impact des actions menées dans le Sud-Ouest dans le succès aux élections des chambres d’agriculture de janvier dernier.
Quelques jours avant le congrès, il avait déclaré dans la presse souhaiter que la Coordination rurale ne soit plus « une FNSEA bis ». Bertrand Venteau persiste à Auch en dénonçant des « rapports très privilégiés et lisses » de l’organe national avec le gouvernement aboutissant à une situation de « cogestion », un reproche que la Coordination rurale formule traditionnellement à l’encontre de la FNSEA. « Une cogestion » loin d’être présente dans les départements estime-t-il.

Dans le mode d’action, il préfère « une ligne dure à aucune ligne du tout ». « Je suis pour une ligne où les gens qui nous font du mal ont peur » en citant « l’administration, le gouvernement, les animalistes ou les mouvements écologistes ». « La peur doit changer de camp » ajoute-t-il. Que ce soit grâce à des messages passés lors d’actions syndicales ou dans la formation de recours en justice, une dernière voie qu’il souhaite voir développer, explique-t-il.
Des frictions sur la distribution des fonds
Le point de friction majeur entre les deux candidats concerne la distribution des fonds supplémentaires versés à la suite des résultats obtenus par la Coordination rurale aux dernières élections aux chambres d’agriculture.
Bertrand Venteau déplore que le syndicat ait souffert de départs importants et d’un manque de transmission au niveau des élus et des administratifs historiques. Il estime que l’argent remonte trop au national et que la marge financière supérieure doit être utilisée pour renforcer les départements, notamment pour le recrutement d’animateurs, pour soulager ceux chargés de l’animation à titre bénévole. L’objectif est que le national soit « au service des départements et pas l’inverse ».
Véronique Le Floc’h contredit cette accusation, insistant sur le fait que le national a justement prévu de consacrer la moitié de la part du budget supplémentaire aux syndicats qui ont gagné l’élection aux chambres d’agriculture dans leur département (soit 560 000 €) et 20 000 € à ceux qui ont dépassé les 30 %.
« Crise de croissance »
Il y a un point sur lequel les deux candidats sont d’accord. Avec le record de quatorze chambres remportées aux dernières élections et un nombre d’adhérents qu’ils observent en hausse, cette croissance rapide engendre des problèmes d’organisation interne observent-ils.
Bertrand Venteau évoque une « crise de croissance ». Il est urgent selon lui de « restructurer tout l’outil » du niveau national au régional, en passant par le lien avec les chambres d’agriculture et les départements. De son côté, Véronique Le Floc’h reconnaît que la construction rapide de la Coordination rurale la « rend peut-être plus fragile » et qu’il « faut la consolider ». Réponse le 19 novembre pour savoir si c’est la présidente sortante ou Bertrand Venteau qui devra mener cette opération.