L’histoire
Anne et Martial avaient pris à bail un ensemble de parcelles appartenant au GFA du Bel Air qu’ils avaient mis à la disposition d’une EARL constituée entre eux. Ils avaient envisagé de faire valoir leurs droits à la retraite et de céder leur bail à leur fils. Le GFA les avait devancés en leur donnant congé en raison de leur âge.
Le contentieux
Anne et Martial avaient alors contesté le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux et sollicité l’autorisation de céder leur bail à leur fils. Leur demande était fondée sur l’article L. 411-64 du code rural, qui autorise le preneur évincé en raison de son âge à céder son bail à l’un de ses descendants. Pour Anne et Martial, aucune raison ne pouvait justifier le refus de céder le bail à leur fils. Ce dernier réunissait toutes les conditions de compétence et d’expérience professionnelles.
Mais le GFA avait fait valoir un tout autre point de vue. Il avait invoqué une jurisprudence selon laquelle la faculté de cession du bail constitue une exception au principe de l’incessibilité du bail rural et est réservée au preneur de bonne foi, qui s’est constamment acquitté des obligations nées du contrat.
Or, le GFA avait établi qu’Anne, copreneuse, ne participait pas aux travaux de l’exploitation, mais se limitait à des fonctions de gestion, en tenant la comptabilité et en décidant de l’achat et de la vente des céréales. Cette situation contrevenait aux dispositions de l’article L. 411-37 du code rural qui prévoit que le preneur associé d’une société à objet principalement agricole, bénéficiaire d’une mise à disposition des terres louées, reste seul titulaire du bail. Il doit continuer à se consacrer à la mise en valeur de ces biens en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente selon les usages de la région. Le défaut de participation d’Anne à l’exploitation des terres la constituait de mauvaise foi et justifiait le refus de cession.
Les juges avaient pourtant accueilli la demande de cession. Anne justifiait avoir effectué des stages pour l’obtention d’un BPA, option productions végétales, et s’être chargée de la tenue de la comptabilité de l’EARL depuis plus de trente ans, outre son rôle dans la prise des décisions d’achat des semences et des produits phytosanitaires.
Cette motivation a pourtant été censurée par la Cour de cassation. Dès lors qu’il résultait de ses constatations que les tâches accomplies par Anne se limitaient à des travaux de gestion et de direction et ne s’étendaient pas à des travaux effectifs et permanents d’exploitation, la cour d’appel aurait dû en tirer les conséquences légales en refusant d’autoriser la cession du bail.
L’épilogue
La cour de renvoi devra se rallier à la position prise par la Cour de cassation et refuser d’autoriser la cession du bail. On peut toutefois s’interroger sur la rigueur de la solution retenue. La conduite d’une exploitation, notamment sous forme sociétaire, requiert de la part des exploitants un travail administratif important. Il doit pouvoir être confié à l’un des associés sans qu’il en résulte des conséquences funestes pour la poursuite du bail au profit d’un descendant.