L’histoire

Propriétaire de parcelles de terre, Maxence les avait données à bail à Vincent. Ce dernier, qui exerçait une activité salariée de mécanicien, avait conclu avec Jean un contrat de prestations de services, afin de l’assister dans son exploitation. Le contrat portait sur la réalisation des gros travaux.

Le contentieux

Estimant que Vincent avait perdu la maîtrise et le contrôle de l’exploitation, Maxence avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail.

On sait que selon le statut du fermage, une fois le bail conclu, le preneur doit habiter sur la propriété louée, s’il existe une habitation, et participer personnellement aux travaux de l’exploitation, selon les usages de la région, sans se limiter à la direction et à la surveillance. Et à défaut de remplir ces obligations, le preneur prend le risque de la résiliation du bail sur le fondement de l’article L. 411-35 du code rural ou de se voir refuser le renouvellement du contrat en vertu de l’article L. 411-46.

Pour autant, le preneur ne peut-il pas se faire aider ? Vincent s’était prévalu de la jurisprudence qui admet que le preneur peut avoir recours à des prestataires afin de l’assister dans son exploitation, tout en conservant la maîtrise et la disposition des parcelles sans les avoir abandonnées à des tiers. De telles modalités ne constituent pas une sous-location ou une cession interdite.

Or en l’espèce le contrat de prestations de service conclu avec Jean ne portait que sur la réalisation des gros travaux. En revanche, Vincent avait conservé la maîtrise, la conduite et la surveillance de l’exploitation. En particulier, il était établi par de nombreux témoignages d’agriculteurs voisins qu’il était présent sur l’exploitation pour les travaux d’ensilage, de récolte et de semis durant la période estivale. En outre, il réglait les factures de fournitures, les cotisations MSA et gérait la comptabilité.
Aussi, aucun reproche ne pouvait être fait à Vincent quant à sa participation personnelle et effective aux travaux de l’exploitation. La résiliation devait être écartée.

Mais les juges s’étaient montrés sévères et avaient écarté les arguments de Vincent. Ils avaient constaté que le preneur avait conclu, un contrat de prestations de services, d’une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction, couvrant l’ensemble des travaux de l’exploitation agricole et portant sur l’intégralité des parcelles données à bail. Et si ce contrat prévoyait expressément que les travaux seraient réalisés par le prestataire sous la direction et le contrôle du fermier et que le prestataire avait à son égard une obligation de conseil pour tout ce qui concerne la conduite des cultures, le fauchage et l’entretien des prairies, le recours à un prestataire n’était pas ponctuel. Enfin, ils avaient encore retenu que Vincent exerçait une activité salariée de mécanicien, dont il n’était pas prouvé qu’elle était conciliable avec l’exploitation des terres louées.

Aussi, bien qu’ayant gardé la direction de l’exploitation agricole, Vincent n’avait pas conservé la maîtrise et la disposition des parcelles louées. La résiliation du bail était encourue, ce que la haute juridiction a confirmé en écartant le pourvoi de Vincent.

L’épilogue

La sanction est sévère pour Vincent, dont le bail est résilié et qui, ainsi, perd son outil de travail. Il est vrai que la pluriactivité n’est pas toujours bien considérée par les juges : le preneur d’un bail rural soumis au statut du fermage ne peut se borner à conserver uniquement la fonction de dirigeant. Mais Vincent n’a-t-il pas été imprudent en concluant un contrat permanent de prestations de services avec une entreprise extérieure ? N’aurait-il pas dû seulement faire réaliser des travaux ponctuels avec une facturation à la carte ?