Comment définissez-vous votre relation de cinéaste avec les agriculteurs ?

Je filme les gens que j’aime, que ce soit des ouvriers ou des agriculteurs. J’aime les gens du monde agricole parce qu’ils savent ce qu’ils font et ont un rapport sain avec le vivant. Je peux les critiquer parce que je connais bien de quoi ils me parlent. Mais confiance ne veut pas dire que je vais toujours dans leur sens. Ils savent en retour que je viens d’un milieu social marqué par le travail : mon père était ouvrier. Entre nous, les rapports sont sains : personne n’est pris pour un imbécile.

En 26 ans, le regard des agriculteurs sur votre métier a-t-il changé ?

À l’époque du premier tournage, il y a 26 ans, je réalisais mon premier film. C’était nouveau pour eux comme pour moi. Les paysans me laissaient faire mais ils ne voulaient pas être trop mis en avant ou jouer un rôle de modèle économique. En 2022, l’attitude n’avait pas changé sauf que, là, ils avaient conscience que le film allait être vu. Dans le fond, ça ne changeait pas nos rapports. Ils savaient que je n’allais ni magnifier l’agriculture ni tomber dans le misérabilisme.

Qu’avez-vous retiré de la perception du film par les agriculteurs ?

Pendant la tournée du film, j’ai vu que les agriculteurs s’identifiaient à ce qu’ils voyaient à l’écran. Pas forcément dans le modèle économique mais dans la façon de regarder le paysage, de se soucier du temps, etc. Si je fais des films, c’est pour être le plus fidèle possible à la réalité. Des spectateurs non-agriculteurs nous ont dit qu’ils découvraient ainsi l’agriculture dans sa diversité alors qu’ils croyaient la connaître, mais mal, coincée dans des stéréotypes. À leur tour, les agriculteurs appréciaient cette reconnaissance. Pour moi, cette tournée était touchante.