Il est 10 h, ce 13 janvier 2017, chez Damien Hautin, éleveur allaitant, à Loucelles dans le Calvados. L’entrée du village est barrée par les équipes d’EDF qui tentent de redresser un pylône. Au loin, passe un train de la ligne Paris-Cherbourg. Le trafic a repris après la tempête qui, durant la nuit, a privé d’électricité 110 000 foyers dans l’ouest de la France. Pendant ce temps, Damien a vécu l’angoisse pour 17 de ses vaches allaitantes et leurs veaux, qu’il a dû laisser au pré avec interdiction d’accès au bâtiment paillé sous peine d’une astreinte de 500 € par jour. Heureusement, il dispose d’un deuxième site où les vaches prêtes à vêler sont à l’abri.
Une plainte de voisinage
La cause de cette situation ubuesque ? Une plainte de voisinage pour nuisances et une décision de justice qui a abouti à l’interdiction d’utiliser ce bâtiment en service depuis l’après-guerre et ouvert sur la plaine de Caen. « Les motifs retenus par la justice ne sont rien d’autre que des nuisances normales : des mouches, un peu de bruit et des odeurs », déplore Michel Legrand, le président de la chambre d’agriculture du Calvados. « Je respecte parfaitement le règlement sanitaire départemental », ajoute Damien Hautin.
La tempête nocturne n’a finalement causé aucun dommage aux animaux. « C’est une situation complètement absurde par rapport au bien-être animal, que d’obliger Damien à laisser ses animaux dehors en plein hiver, résume Arnaud Triomphe, le vétérinaire de l’exploitation. Son système d’élevage est très extensif, avec uniquement du foin et de la paille. Autant dire que demain, ce sont tous les animaux d’élevage qui pourraient se voir expulsés. Jusqu’à présent, les animaux ne risquent rien, car Damien leur apporte tous les jours de l’aliment, mais cela complique énormément son travail et tout incident climatique pourrait mettre ses animaux en grand danger. »
« En face, le dossier était vide »
« J’ai perdu mon procès le 12 novembre 2015, reprend Damien. C’est le deuxième hiver que mes animaux passent dehors. Je ne comprends toujours pas la décision de justice. En face, le dossier était vide. J’ai eu affaire à quelqu’un qui sait jouer sur les mots et qui connaît bien les ficelles de la justice. J’ai bien sûr fait appel, mais nous attendons toujours une date de jugement. Mon dossier traîne depuis 2012 et j’ai aussi dû verser environ 15 000 € de dommages-intérêts, sans compter mes frais personnels. En attendant, toute ma famille se trouve affectée. »