L’histoire
Rémi était propriétaire de deux belles parcelles en nature d’herbage situées à l’entrée du village. Souhaitant y édifier un stade, la commune avait saisi le préfet d’une demande de déclaration d’utilité publique. À la suite, elle avait saisi le juge de l’expropriation aux fins d’obtenir l’expropriation des parcelles à son profit. Une ordonnance en ce sens avait été rendue le 15 mars 1988.
Constatant que le terrain n’avait reçu que partiellement la destination prévue, Rémi avait, par lettre recommandée du 26 février 2018, demandé au maire de la commune la rétrocession des parcelles.
Le contentieux
La commune n’ayant pas donné suite, Rémi l’avait assignée devant le juge de l’expropriation en rétrocession par acte du 27 juin 2018.
Pour la commune, la demande de Rémi était prescrite. Selon l’article L. 421-1 du code de l’expropriation invoqué, si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue, les anciens propriétaires peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans. Ce délai démarre à compter de l’ordonnance d’expropriation. Et l’article R. 421-6 du même code ajoute que le recours devant le tribunal judiciaire doit être introduit dans le délai de deux mois à compter de la réception de la notification de la décision administrative de rejet (ici de la commune), ce dont il résulte que l’action devant le tribunal doit être précédée d’une demande adressée à l’expropriant.
La question posée au juge était de savoir si la demande de rétrocession de Rémi formée par assignation du 27 juin 2018 était recevable. La prescription trentenaire visée par le texte n’avait-elle pas été interrompue par sa demande amiable adressée à la commune par lettre recommandée du 26 février 2018 ? La décision implicite de rejet de la commune en ne donnant pas suite à la demande de Rémi du 26 février 2018 ne constituait-elle pas une décision administrative, susceptible de faire l’objet d’un recours gracieux de nature à interrompre le délai de prescription trentenaire ?
Pourtant ni le juge de l’expropriation ni la cour d’appel n’avaient voulu entendre les arguments de Remi. La demande préalable de rétrocession adressée à l’autorité expropriante ne constitue pas un recours gracieux ou hiérarchique contre une décision administrative. Aussi, l’action judiciaire en rétrocession doit être engagée dans le délai de deux mois à compter de la réception de la notification de la décision administrative de rejet et dans le délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation.
L’épilogue
Autrement dit, l’action en rétrocession, formée le 27 juin 2018 par Rémi, plus de trente ans après l’ordonnance d’expropriation du 15 mars 1988, était prescrite, ce que la Cour de cassation a confirmé. La rétrocession étant écartée, la commune pourra achever l’aménagement de son stade, dont les travaux avaient été suspendus pour des raisons budgétaires.