Les moissons d’été sont terminées dans la plupart des régions de France. Certains territoires restent à faucher, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais, en Normandie et sur les côtes bretonnes où quasi rien ne s’est passé depuis le week-end du 19 et 20 juillet, à cause de la pluie. « Nous attendons un retour franc du soleil et une remontée des températures », déclare un opérateur du secteur. Hormis ces zones tardives, la précocité règne sur la plaine, jusqu’à 15 jours d’avance dans les régions les plus méridionales. Ainsi, les analystes ont pu rapidement publier leurs résultats consolidés, au moins sur le blé tendre. Au 22 juillet, Argus Media tablait sur une collecte nationale de 33,40 millions de tonnes pour la céréale à paille, soit une hausse de 30,2 % sur un an. Une progression uniquement attribuable au rendement (74,4 q/ha en moyenne) puisque les surfaces sont en recul de 97 000 ha selon Agreste, à 4,5 millions d’ha.
De bons rendements attendus en céréales d’hiver en Europe pour 2025 (23/07/2025)
Qualités aux normes
Ces bons résultats cachent des disparités régionales et territoriales. Types de sol, précédents culturaux, dates de semis et surtout variabilité climatique… « Les écarts peuvent être significatifs, même entre des parcelles proches les unes des autres », rapporte un opérateur du Nord-Est. Un autre collecteur, de l’Île-de-France cette fois, fait état de « déceptions » dans les terres les plus séchantes, sableuses ou crayeuses, et de records à « trois chiffres » dans les terres profondes. Dans les Hauts-de-France, des pointes à 130 q/ha ont même été observées. Dans le Sud-Ouest, on s’attendait parfois à mieux : dans le Gers, un opérateur tablait sur 70 q/ha, pour un réalisé entre 60 et 65 q/ha. Le constat est le même dans les deux départements voisins du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne, où les blés ont souffert de la météo. Les cultures ont été « asphyxiées » par un trop-plein d’eau en automne et hiver, puis par le coup de chaud du printemps.
Au global, la qualité du blé tendre est satisfaisante. Les PS sont bons à très bons, souvent supérieurs à 78 kg/hl. Certains opérateurs s’attendent à perdre 3 ou 4 points sur les récoltes en cours, en raison de la pluie, tout en restant au-dessus de la norme des 76 kg/hl. Les protéines sont plus « limites » un peu partout dans l’Hexagone, à l’exception des régions les plus au Nord : des taux légèrement inférieurs à 11 % (ou sous les 14 % pour les blés de force) sont souvent rapportés. Les opérateurs ont été parfois amenés à alloter et à réorienter les lots vers les filières fourragères et certains marchés à l’exportation, moins exigeants sur les protéines. Si l’effet de dilution par le rendement explique en grande partie cette baisse, certains collecteurs émettent l’hypothèse d’une mauvaise absorption de l’azote au printemps à cause du manque d’eau.
De bonnes surprises en colza
Du côté des orges, les rendements sont globalement bons, avec une moyenne nationale à 65,8 q/ha, selon Agreste. Des récoltes à plus de 70 q/ha sont observées en Bretagne, dans les Pays de la Loire et en Lorraine sur orge d’hiver. Dans ce secteur, des « pointes » jusqu’à 90 q/ha sont rapportées sur orge de printemps. « Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu ça », se réjouit un opérateur local. La qualité est aussi au rendez-vous, avec des calibrages supérieurs à 90 % et des protéines dans les normes. Toutes orges confondues, des déceptions sont signalées en Normandie, en Île-de-France, dans les Ardennes et dans le Gers.
Le colza s’invite aussi à la table des bons rendements, avec une moyenne nationale à 33,2 q/ha, selon Agreste. Certains opérateurs s’estiment dans leur moyenne quinquennale, voire un peu plus, comme dans les Hauts-de-France, dans le Grand Est ou encore en Région Centre. Pour d’autres, l’oléagineux est « la grande surprise de l’année », comme en Île-de-France où la culture a parfois atteint les 50 q/ha. À part quelques déceptions localisées, le Sud-Ouest affiche aussi de bons résultats, comme dans le Tarn-et-Garonne où les rendements atteignent régulièrement 35 à 45 q/ha, contre 28 habituellement. « Les conditions de fin de cycle ont été favorables aux PMG », précise un collecteur du secteur. Du côté de la qualité, les teneurs en huile sont de bons niveaux : de quoi permettre « une bonne valorisation prix pour nos producteurs », estime un opérateur francilien.
Marchés lourds
Si le colza offre encore des prix rémunérateurs, ce n’est pas le cas du blé tendre et des orges. « La remontée de production n’efface pas la baisse des prix de vente et ne compense pas la hausse des charges des dernières années », juge Argus Media. Selon Soufflet Agriculture, dont l’activité s’étend de la Loire-Atlantique aux Ardennes, le marché des céréales est lourd. « Les prix sont en dessous des coûts de production », déclare le négoce.
Au-delà des fondamentaux, le contexte géopolitique mondial joue lui aussi avec les cours : « Les marchés réagissent davantage aux tweets de Trump qu’aux bilans mondiaux, interpelle un opérateur. Mais combien de fois a-t-on vu un marché estimé baissier s’envoler ? Il faut rester prudent : nous conseillons surtout de fractionner et de ne pas jouer au poker. »