Avant la rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping, les opérateurs financiers ont acheté la rumeur d’un réchauffement dans les relations diplomatiques sans pour autant que les détails de cet accord ne soient révélés sur les céréales. Seul le soja a pour le moment des éléments chiffrés même si volontairement, la Maison Blanche entretient le flou autour du dossier.

Le blé français se met hors jeu

Le blé français enregistre depuis le début de campagne une dynamique à l’exportation soutenue, que ce soit à destination de l’Europe mais également des pays tiers. Ce rythme inattendu résulte des problèmes logistiques en Russie et des sujets qualitatifs sur les blés baltes. Pour autant, la donne est en train de changer drastiquement puisque la concurrence internationale se renforce, notamment avec l’arrivée des volumes argentins. En proie à une récolte record, à plus de 23 millions de tonnes, l’Argentine joue les trouble-fêtes et regagne en compétitivité vis-à-vis de ses concurrents. Ainsi, les volumes sud-américains sont plébiscités par le Maroc, jusqu’alors destination privilégiée des opérateurs hexagonaux.

Sur la scène internationale toujours, les exportations russes se dynamisent après la réorganisation logistique du début de campagne. Autre élément, les quelques rumeurs ayant surgi sur les marchés concernant de possibles achats chinois de blé américain n’ont pas été confirmées, ne permettant pas aux cours de poursuivre dans une optique de fermeté. Désormais, un œil est porté sur l’Australie où la récolte est attendue dans les toutes prochaines semaines avec un potentiel toujours proche des records.

Sur le terrain en France, les semis se poursuivent et avancent à bon rythme. Ce sont plus de 68 % des surfaces qui sont emblavées contre 61 % habituellement à cette période de l’année. Les récentes précipitations viennent favoriser la levée et confortent le sentiment d’une hausse des surfaces pour la prochaine campagne.

L’exportation des orges reste dynamique en France

Depuis le début de campagne, l’orge constitue le produit le plus ferme et ce, grâce à une activité à l’exportation notable. Les opérateurs français jouissent en effet de destinations multiples, comme en témoignent les chargements vers la Tunisie, l’Arabie Saoudite, la Chine, la Jordanie ou encore le Maroc. La prime physique parvenait ainsi à Rouen à passer en positif, soit sur des niveaux bien supérieurs aux –20 €/t de l’an passé.

La bonne dynamique de vente pourrait tout de même être freinée par l’arrivée des volumes australiens et ce, alors que le pays est en proie à une production proche des 15 millions de tonnes pour des exportations qui dépasseront les 8,3 millions de tonnes.

En France, les semis progressent, avec 80 % de la sole emblavée contre 58 % l’an passé à cette date. Les précipitations favorisent le développement cultural et ce sont désormais 58 % des orges d’hiver qui ont levé au niveau national, contre 30 % la semaine dernière.

Les orges seront aussi sous l’influence de la géopolitique puisque le complexe fourrager est concerné par l’accord commercial sino-américain. Si peu de détails filtrent des échanges de Séoul en ce qui concerne le sorgho et le maïs, une attention particulière doit tout de même être portée sur les futures déclarations afin de voir quelle partition l’orge pourra jouer.

Le colza chahuté entre plusieurs éléments

Naturellement, les cours du colza ont été sous l’influence du soja et des nombreuses rumeurs autour de la rencontre entre les présidents américain et chinois. Cela a d’ailleurs permis à la graine européenne de flirter avec les 485 €/t sur l’échéance de février d’Euronext. Cette embellie résulte également des nouveaux échos de récolte de tournesol en Ukraine. Les travaux des champs peinent à progresser en raison des précipitations, ce qui peut également être préjudiciable pour le rendement. Ainsi, les analystes abaissent tour à tour leurs estimations de production pour se rapprocher des 10,5 millions de tonnes, soit 3 millions de tonnes de moins qu’il y a quelques mois. Dans ce contexte, le complexe oléique se tend, offrant une dose de fermeté à l’ensemble des oléagineux.

Pour autant, le colza aura désormais fort à faire alors que le bilan canadien reste de son côté confortable. Ainsi, les écarts de prix se creusent et il est probable de voir de l’huile de canola entrer en zone unique dans les prochaines semaines.

Sur les échanges toujours, le flou persiste quant à la loi anti-déforestation. En fonction de la taille de l’entreprise importatrice, les restrictions seraient différentes, ce qui entretient l’incertitude de voir les flux de soja sud-américains freinés à l’importation. Les tourteaux seront fortement influencés par cette décision, ce qui in fine rebattra les cartes des flux mondiaux.

Sur le terrain, les conditions de cultures australiennes restent bonnes, tout comme le développement cultural en France. Les opérateurs restent pour l’heure confiants, ce qui ne suscite pas d’inquiétudes particulières.

Séoul, capitale du soja !

Le soja souffle le chaud et le froid sur l’ensemble des matières premières agricoles en étant le baromètre des relations diplomatiques sino-américaines. Les rumeurs quant à un réchauffement des relations ont largement été intégrées puisque le soja parvenait à revenir sur la zone symbolique des 11 $ le boisseau. S’en est suivie une folle journée jeudi 30 octobre 2025 puisqu’entre le début de la rencontre de Donald Trump et Xi Jinping et la fin de séance, la fève américaine a connu 50 cents le boisseau de variation. Dans l’après-midi, le secrétaire du Trésor des États-Unis, Scott Bessent, annonçait que l’empire du Milieu s’engageait à contractualiser 12 millions de tonnes de soja américain en 2025 puis 25 millions de tonnes par an durant trois ans. Reste désormais à calibrer les propos afin de préciser s’il s’agit de campagne ou d’année civile. L’incertitude est toujours entretenue par la Maison Blanche mais les marchés anticipent tout de même une accélération des volumes contractualisés dans les toutes prochaines semaines.

Dans le reste du monde, le Brésil continue d’être un acteur incontournable avec des projections de production à plus de 175 millions de tonnes. La récolte est encore loin puisque les semis progressent, avec près de 40 % de la sole emblavée au niveau national et 60 % dans le principal État producteur qu’est le Mato Grosso.

Sur le complexe du soja, les tourteaux progressent au niveau mondial sur fond d’optimisme lié à l’accord, renforçant les prix européens également. La possible instauration du règlement européen anti-déforestation (RDUE) est également de nature à soutenir les prix européens en cas de ralentissement des flux à l’importation.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
(2) À suivre : précisions sur l’accord commercial entre les États-Unis et la Chine ; évolution de la parité euro/dollar ; activité de chargement et de ventes à l’exportation au départ de la France en blés et en orges ; avancée des semis en Europe et au Brésil ; compétitivité des blés argentins.