Mardi 4 janvier 2022, à la mi-journée, une pétition intitulée « Sauvons les vaches de Saint-Laurent » affichait plus de 87 000 signatures. Au même moment, quelque deux cents manifestants pacifiques étaient rassemblés devant la ferme concernée par les abattages, dans le village haut-savoyard de Saint-Laurent. À l’origine de ces actions : un collectif composé d’éleveurs, vétérinaires, simples citoyens et élus d’Europe Écologie Les Verts (EELV). Vers 15 heures, toutefois, un premier camion partait vers l’abattoir.

 

Deux mois plus tôt, un cas de brucellose était confirmé dans cet élevage. Bien qu’une seule vache ait été testée positive, l’abattage total du troupeau devait intervenir avant le 10 janvier 2022. À défaut, la France perdait son statut indemne de brucellose, avec les conséquences commerciales qui en découlent.

 

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Un risque toujours présent

« C’est un crève-cœur mais l’éleveur était bien obligé de laisser partir ses bêtes, soupire Noémie Lachenal, élue à la Confédération paysanne. Sa ferme est sous cloche depuis deux mois, et les départs pour l’abattoir vont continuer jusqu’à la fin de la semaine, avant un vide sanitaire. On est venus pour le soutenir. »

 

Le syndicat voulait aussi « faire pression sur l’Administration », avec qui la communication semble bloquée. « On aura massacré 240 bêtes ayant une sérologie négative, sans que rien ne change : c’est du gâchis. Et la présence de la harde de bouquetins infectés continue à faire peser un risque sur les 12 000 ruminants qui pâturent dans ce massif. »

 

Sans appeler à manifester par crainte d’une « récupération politique » par les Verts, Bernard Mogenet, président de la FDSEA, ne décolère pas non plus : « On a proposé un protocole pour tenter d’éradiquer la maladie, mais l’arbitrage du gouvernement est suspendu à un nouvel avis de l’Anses. La position de la FNSEA, à laquelle se sont ralliés JA et la chambre d’agriculture, propose la constitution d’un noyau sain limité à 50 bouquetins pour que son statut sanitaire reste contrôlable. Certains éleveurs souhaiteraient l’éradication totale des bouquetins, mais ce scénario aurait 100 % de chances d’être attaqué par les environnementalistes. »

Pression de certaines ONG

C’est déjà sous la pression de certaines ONG que le protocole de l’Anses de 2012 visant à constituer un noyau sain (à coup de captures, tests sérologiques et abattages) a échoué. D’après l’Anses, aucun tir de bouquetin n’a eu lieu depuis 2019… Date à partir de laquelle la prévalence de la maladie a arrêté de diminuer. Cette action des ONG est dénoncée d’un commun accord par tous les syndicats agricoles.

 

« L’État a plié devant les environnementalistes, et l’épée de Damoclès reste suspendue au-dessus des éleveurs du secteur », retient Gilles Chatelain, président de la Coordination rurale des Savoies. Tout en exprimant sa sympathie à l’éleveur impacté, il ne s’est pas joint à la mobilisation : « On demande l’éradication totale de la maladie, donc ce serait un non-sens de contester les mesures prophylaxiques, même si c’est très triste. On conteste plutôt le non-abattage des bouquetins malades. »

Des résultats attendus faisant suite aux abattages

Quant à savoir si les 240 vaches de Saint-Laurent auraient pu être sauvées, les prochaines semaines apporteront peut-être un début de réponse. Des prélèvements doivent être faits à l’abattoir sur tous les animaux, et mis en culture le temps de développer ou non des marqueurs de la maladie. « Si beaucoup d’animaux s’avèrent positifs, on aura du mal à contester la stratégie d’abattage massif, admet Bernard Mogenet, de la FDSEA. Sinon, il faudra rouvrir le dossier scientifique. »

 

Des questions planent aussi sur le reste de la faune sauvage. Si les bouquetins sont clairement identifiés comme réservoir de la brucellose, l’Anses identifie le chamois comme « agent de liaison » et admet que le rôle d’autres animaux a peu été étudié.

 

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