Avec un chiffre d’affaires à l’exportation estimé à 400 millions d’euros, la filière génétique animale dispose d’un fort potentiel sur le marché, couplée à « une qualité génétique française reconnue ».
Pourtant, la génétique est un maillon peu visible au sein de la filière de l'élevage, souligne le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), dans un rapport rendu en juillet 2025. À l’inverse de la filière végétale, la génétique est quasi systématiquement « absente dans les plans de filières sectoriels » en élevage.
« La filière doit se restructurer et se moderniser pour préserver d’abord, conquérir ensuite, des parts de marché à l’international, en renforçant la souveraineté agricole française », affirme la mission conduite par le CGAAER.
Prendre sa place dans un marché mondial concurrentiel
« L’importance de la génétique ruminants dans la compétitivité de la filière de l'élevage française est mal appréhendée », relève le CGAAER. Les auteurs du rapport dressent le portrait d’une filière « très ancienne », « fortement structurée par la loi sur l’élevage de 1966 », malgré les évolutions récentes de la génétique.
En France, le secteur « est marqué par la diversité des dimensions économiques des acteurs ». Si quelques grandes entreprises de sélection et d’insémination ont un poids économique certains, de nombreux organismes de sélection sont économiquement plus fragiles, voire dépendants des aides publiques.
Sauf que la génétique s’inscrit dans un marché mondial très concurrentiel, qui conduit à vendre la génétique française « à prix coûtant, voire à perte », note le CGAAER. Il préconise de « renforcer les performances à l'exportation avec une stratégie de marque “Génétique France” », afin de mieux valoriser la capacité d’innovation française.
Indispensable à la résilience environnementale et sanitaire
Abordant les enjeux environnementaux et les attentes sociétales, le rapport insiste sur le « rôle primordial de la génétique dans l’adaptation de l’élevage ». Les choix d’objectifs de sélection contribuent à la résilience des élevages sur le long terme : amélioration de la santé animale, identification d’animaux moins émetteurs de méthane, adaptation au stress thermique, efficience alimentaire, etc. « La France et l’Union européenne ont un intérêt stratégique à maîtriser les technologies et la filière de sélection génétique pour maîtriser les choix technologiques et éthiques de demain. »
La mission conseille de « consolider la recherche sur les leviers de reconception des systèmes ». Elle ajoute le besoin de « renforcer la politique de transfert aux éleveurs et la valorisation économique », afin de conforter la souveraineté de l’élevage français.
Une gouvernance nationale associant l’ensemble des acteurs
« Une véritable interprofession s’impose » pour la génétique des ruminants. France Génétique Élevage, qui officie actuellement en tant qu’interprofession, « est focalisée sur des projets opérationnels et ne remplit pas ou de manière défaillante sa mission stratégique », inculpent les experts du CGAAER.
Ils recommandent la mise en place d’une gouvernance politique de la filière, partagée publique-privée, parallèlement aux comités techniques existants et en associant l’ensemble des acteurs. « La réussite et la résilience de la filière de la génétique nécessitent une interprofession fonctionnant de manière fluide, où peuvent se construire des schémas stratégiques, des accords pluriannuels pour donner de la visibilité aux acteurs ainsi que des préconisations. »
Quant au projet privé « Eurogenomics », qui vise à faire émerger une alliance économique européenne face au marché mondial de la génétique, le rapport insiste sur les fortes tensions qu’il suscite. Il conseille de « clarifier les objectifs, les coûts, et d’aligner la gouvernance au niveau national et européen en conséquence ».
Pilotage plus stratégique du progrès génétique
Le rapport revient aussi sur le pilotage du progrès génétique, citant pour exemple le fonctionnement en sélection végétale, où la procédure d’approbation des variétés végétales est soumise à « un ensemble de tests harmonisés, de débat au sein de l’ensemble des maillons de la filière avec la recherche publique et le ministère avant approbation par le ministère chargé de l’Agriculture ».
Les rapporteurs conseillent ainsi de revoir la procédure de validation des programmes de sélection et des nouveaux organismes de sélection en génétique animale. En effet, la validation d’un nouvel organisme de sélection se fait par un arrêté ministériel, « sans obligation de différenciation » à l’heure actuelle. Intégrer plusieurs étapes à l’image de la filière végétale encouragerait une meilleure gestion collective du progrès génétique.
Par ailleurs, « très peu de travaux ont été effectués sur le coût global de la reproduction », des informations qui seraient pourtant « utiles pour piloter la stratégie de la filière et permettre aux éleveurs de prendre des choix éclairés ».
Revoir l’attribution des subventions
Le pilotage stratégique devrait aussi passer par « une révision des règles d’attribution de subventions ». Si le secteur génétique ruminants bénéficie de soutiens publics à différentes échelles et pour différents objectifs, les experts du CGAAER notent « l’absence de données partagées entre l’ensemble des acteurs » en ce qui concerne ces soutiens, et un manque de pilotage.
La mission recommande d’engager un travail d’évaluation des priorités avant 2027 et de mise en place de critères d’évaluation. Elle préconise notamment de soutenir les actions de mutualisation, de simplifier administrativement l’ensemble des subventions, et de déconcentrer une partie des crédits pour des approches plus adaptées aux territoires.
Pour répondre aux enjeux territoriaux spécifiques, tels que dans les zones de montagne, le CGAAER conseille de mettre en œuvre « une organisation locale qui rassemble l’ensemble des acteurs au niveau de chaque bassin d’élevage ». Cette gouvernance territoriale sera plus « propice à des échanges de qualité et constructifs », explique le rapport.