La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, annoncera jeudi 27 février à partir de 9 h au Salon de l’agriculture deux dispositifs en faveur du portage du foncier. À quoi serviront-ils ? Ils auront pour rôle d’agrandir la palette des outils déjà accessibles pour faciliter l’accès aux terres et de créer un effet de levier pour attirer de nouveaux investisseurs. Ces deux dispositifs ont été dévoilés en partie ce 25 février 2025 sur le stand des Safer au Salon de l’agriculture à l’occasion d’une table-ronde sur le portage du foncier.

40 millions d’euros pour donner un Elan

Cette fois-ci semble enfin la bonne pour le fonds Elan dont les Safer sont à l’initiative. Son lancement était annoncé comme proche, voire imminent à plusieurs reprises ces dernières années comme lors de sa présentation en grande pompe au congrès des Safer en 2021.

Un montant de 65 millions d’euros géré par la société Citizen Capital était alors évoqué. Lors de son lancement qui n’en était finalement pas vraiment un lors du Salon de l’agriculture de 2023, c’est 30 millions d’euros qui devaient être mis sur la table. Deux ans après presque jour pour jour, ce sera finalement une enveloppe de 40 millions d’euros qui sera constituée.

Mobiliser à terme l’épargne des Français

« Nous avons enfin le feu vert de l’État », se réjouit Thierry Bussy, président de la Safer Grand Est lorsqu’il évoque « le lancement définitif » prévu ce jeudi 27 février 2025. Des partenaires institutionnels, banques et financeurs participeront à la composition de l’enveloppe précise-t-il. Le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel sont cités.

Mais ces 40 millions d’euros ne sont qu’une première étape pour voir plus grand et accueillir à terme l’épargne des Français. « Nous avions fait un sondage auprès des Français sur leur volonté de basculer une petite partie de leur épargne sur l’agriculture ou le foncier agricole. 92 % y étaient prêts », indique le président de la Safer Grand Est. Et d’ajouter : « L’épargne des Français se répartit entre 250 milliards d’euros d’assurance vie et de 400 milliards d’euros déposés sur d’autres produits d’épargne. »

395 millions d’euros d’investissement public

Le deuxième dispositif que devrait présenter Annie Genevard concerne le fonds « Entrepreneurs du vivant » porté par la Banque des territoires. Son lancement était attendu après la promesse présidentielle exprimée en septembre 2022 par Emmanuel Macron. C’est la Banque des territoires, opérateur public, qui en aura la charge.

« L’idée c’est que l’État mobilise via les crédits pour l’innovation de France 2030, 395 millions d’euros d’investissements qui vont viser spécifiquement les nouveaux dispositifs de portage de foncier et faciliter l’installation de jeunes agriculteurs mais aussi des fonds d’investissement qui vont investir dans des entreprises ou des infrastructures », explique Linda Reboux, responsable d’investissement à impact à Banque de territoires.

Trois objectifs sont visés : « la transition des pratiques, la transmission intergénérationnelle des exploitations et la structuration de filières dans le cadre de la souveraineté alimentaire », explique-t-elle.

Jeudi matin seront annoncés les fonds et foncières qui sont les premiers bénéficiaires de cette enveloppe de près de 400 millions d’euros. Le fonds Elan en fait partie.

La recherche d’un « effet de levier »

Mais ces 395 millions d’euros doivent être également le moyen de mobiliser d’autres fonds. « L’État mobilise cet argent pour avoir un effet d’entraînement, créer une sorte d’émulation autour de ces initiatives de fonds de portage de foncier, explique Linda Reboux. Un « effet démultiplicateur » qui pourrait déboucher sur la mobilisation de fonds de la Caisse de dépôts ou ceux « d’un grand nombre d’investisseurs privés ».

Des sommes qui restent des « gouttes d’eau »

S’il est vrai que les initiatives en faveur du portage de foncier se multiplient ces dernières années (lire l’enquête de La France Agricole), les montants des fonds présentés ne pèsent finalement pas grand-chose face au nombre d’hectares qui changeront de main lors des prochaines années.

« Dans les 8 à 10 ans, il y a en gros 150 000 agriculteurs qui partiront en retraite. Ce sont 10 millions d’hectares qui vont ainsi changer de main », décrit Bruno Keller, président de la Fédération nationale de propriété privée rurale. Cette dernière défend les intérêts des 4 millions de propriétaires privés qui représentent donc, en nombre et en volume, les premiers porteurs de fonciers.

Il n’échappe d’ailleurs pas au parallèle : « Tout ce qui est évoqué sont de très bonnes idées mais les 40 millions d’euros du fonds Elan divisé par un montant l’hectare de 6 000 € (NDLR : montant qui approche le montant moyen des terres et prés vendus en France en 2023 fixé à 6 200 € l’hectare), cela correspond à un peu plus de 6 000 hectares. »

Face aux 10 millions d’hectares qui devront changer de main dans les prochaines années, Linda Reboux admet que ces solutions de portage restent des « gouttes d’eau » à l’aune des enjeux qui sont massifs. « Mais cela permet de contribuer à l’émulation des solutions en essayant d’en financer la grande diversité pour permettre aux jeunes qui s’installent différentes options en fonction de leurs », indique-t-elle.

Convaincre les propriétaires de continuer à louer

Bruno Keller insiste de son côté sur le besoin de convaincre les propriétaires privés de continuer à louer. Sa fédération fait d’ailleurs le même constat que la section des bailleurs de la FNSEA, les propriétaires sont aujourd’hui découragés à signer des baux. La faute à un statut du fermage jugé trop contraignant et à la rentabilité jugée trop faible. « Il faut faciliter la mise à bail », clamait même récemment la section des fermiers la FNSEA.

Invité sur le stand des Safer ce 24 février, Maxime Buizard, membre du bureau de Jeunes Agriculteurs, admet qu’il y a besoin de rafraîchir le statut du fermage vieux de 80 ans. Il va même jusqu’à proposer d’ouvrir le sujet de « la rémunération du propriétaire qui n’est pas suffisante aujourd’hui par rapport aux contraintes de la mise à bail ».

La rentabilité pour les propriétaires est aussi liée à la fiscalité des terres où la France est championne en la matière. Si les propositions ne manquent pas, une réforme du statut du fermage n’est pas pour l’instant dans les priorités du gouvernement, à moins d’une surprise jeudi ?