L’HISTOIRE
Par acte du 7 décembre 2001, Pierre et son épouse, Marie, avaient donné à bail diverses parcelles, à l’un de leurs fils, Maxime. Au décès de Marie, les parcelles louées étaient devenues la propriété de Pierre pour cinq huitièmes en pleine propriété et trois huitièmes en usufruit, et de leurs trois enfants, Maxime, Éric et Jeanne pour un huitième en nue-propriété chacun.
En raison d’un différend familial, affectant la mise en valeur des parcelles, Pierre, par acte du 23 avril 2018, avait donné congé à Maxime pour le 31 octobre 2019 aux fins de reprise pour exploitation par Éric.
LE CONTENTIEUX
N’acceptant pas d’être évincé de l’exploitation au profit de son frère, Maxime avait saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé.
À l’appui de sa contestation, Maxime avait invoqué les articles L. 411-59 et L. 331-2-II du code rural. Selon le premier, le bénéficiaire de la reprise doit justifier qu’il répond aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle ou qu’il a bénéficié d’une autorisation d’exploiter. Et selon le second, les opérations soumises à autorisation préalable sont, par dérogation, soumises à déclaration préalable lorsque le bien agricole à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclus. Eric pouvait-il bénéficier de cette dérogation alors qu’il faisait valoir, qu’en l’absence de bail, les terres seraient exploitées dans le cadre d’un prêt à usage ou en qualité d’indivisaire ?
Non pour les juges. L’article L. 331-2, II du code rural fixant de manière limitative les modes de transmission d’un bien agricole ouvrant droit au régime de la déclaration, le candidat qui entend mettre en valeur le bien familial au moyen d’un prêt à usage ne peut relever de ce régime.
Il restait à régler une autre question. Les parcelles n’avaient-elles pas été reçues par Eric à la succession de sa mère permettant de bénéficier du régime de la déclaration ? Pour répondre à cette question, approuvant la solution retenue par la cour d’appel, la haute juridiction s’est fondée sur le démembrement de propriété affectant les parcelles reprises. Celui qui n’a reçu par succession que la nue-propriété du bien, ne lui conférant aucun droit de jouissance sur celui-ci, ne peut relever du régime de la déclaration. Aussi, dans la mesure où Pierre avait conservé l’usufruit sur les parcelles données à bail, Éric ne pouvait bénéficier du régime de la déclaration. Le congé devait être annulé.
L’ÉPILOGUE
Eric ne pourra mettre en valeur les parcelles objet du congé-reprise. Le bail consenti à Maxime sera renouvelé par tacite reconduction. Eric devait avoir sollicité et obtenu une autorisation préalable d’exploiter.