« Cinq millions d’hectares de terres agricoles, [soit] 20 % de la surface agricole française, vont changer de main d’ici 10 ans » a rappelé Terre de liens lors de la présentation à la presse de son rapport sur l’état des terres agricoles en France, diffusé publiquement le 22 février 2022. Partiront-elles à l’agrandissement ? À l’artificialisation ? À la spéculation ? À la transmission ? S’est-elle interrogée.
Dans ce rapport, l’organisation dresse un bilan peu reluisant de la situation des terres agricoles françaises et des politiques foncières qui n’ont pas permis jusqu’ici de les « protéger et partager » efficacement, estime-t-elle. « Il y a urgence à faire renforcer la protection de ces terres à travers des lois et des actes politiques », a introduit Benjamin Duriez, directeur de Terre de liens, lors de la conférence.
Elle appelle ainsi les candidats à l’élection présidentielle à s’emparer du sujet en lançant une grande loi foncière, qu’elle a réclamée récemment avec d’autres organisations, et émet plusieurs recommandations sur les volets foncier et transmission.
Zéro artificialisation grâce au levier fiscal
L’organisation soutient le « zéro artificialisation », exception faite pour les logements sociaux. Pour ce faire, elle propose deux principaux leviers fiscaux :
- Dissuader la vente de terres agricoles rendues constructibles, en taxant les plus-value foncière, ce qui permettrait ainsi d’éviter la spéculation ;
- Rendre l’artificialisation plus chère que la rénovation urbaine, via des taxes d’urbanisation dissuasives.
Terre de liens recommande également d’encadrer les activités photovoltaïques, en réservant l’implantation des projets au sol aux zones de friches industrielles et en interdisant l’acquisition de terres agricoles par les sociétés de production d’énergie solaire.
Faciliter l’accès des terres aux porteurs de projets
Aujourd’hui, 60 % des porteurs de projets ne sont pas issus du milieu agricole. Globalement, ces profils sont financièrement limités pour l’acquisition de terres. Ils présentent également des projets plus « modestes », sur de plus petites surfaces, en opposition aux exploitations candidates à la transmission, souvent plus vastes, constate Terres de liens.
Pour les cédants, la charge psychologique d’une transmission hors familiale et la faiblesse des retraites peut inciter à conserver leurs terres pour s’assurer un patrimoine. L’éventuelle pression exercée par un voisin qui souhaite s’agrandir, ou encore le délai nécessaire à un porteur de projet pour se former et trouver les financements, peuvent pousser à céder les terres à l’agrandissement, ajoute Coline Sovran, responsable de plaidoyer chez Terre de liens. L’organisation recommande ainsi de :
- Créer davantage de structures de portage foncier solidaire afin d’éviter aux porteurs de projets l’achat de foncier ;
- Contrôler plus efficacement la cession des parts de société possédant ou louant des terres agricoles et aller plus loin que la loi sur la régulation de l’accès au foncier de Jean-Bernard Sempastous et promulguée le 24 décembre 2021 ;
- Renforcer la régulation de la valeur vénale des terres et encadrer les loyers des fermages ;
- Repérer et accompagner les futurs cédants pour faire correspondre leurs projets de transmission avec ceux d’installation.
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Réorienter les aides Pac et les politiques locales
Terre de liens soutient également la réorientation des aides pac, afin qu’elles profitent à l’installation, avec :
- L’octroi la DJA (dotation jeune agriculteur) limitée à 40 ans dans la future pac, à tous les nouveaux installés qui, pour beaucoup, se lancent après une reconversion ;
- Le plafonnement des aides Pac conditionnées aux surfaces, qui encouragent l’agrandissement, pour les lier aux nombres de travailleurs.
Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (SDREA) devront quant à eux être « recadrés » pour qu’ils respectent mieux leurs objectifs sociaux, économique et environnemental. Les politiques locales devront se développer, en se reconnectant avec les projets alimentaires territoriaux pour favoriser l’installation.
Refonder la gouvernance des terres
Enfin, Terre de liens appelle à « développer une gouvernance démocratique et transparente des terres agricoles » afin d’harmoniser la régulation de l’accès aux terres. Elle préconise également de renforcer les moyens financiers des services publics en charge de la régulation et du contrôle pour leur permettre de réaliser correctement leur mission.