« La filière bovine est à un tournant, et c’est à nous d’agir si nous ne voulons pas louper le virage », introduit Philippe Auger, président d’Elvea France lors de son congrès annuel à Saint-Ours (Puy-de-Dôme), le jeudi 5 septembre 2024. Associations d’éleveurs, négociants, commerçants, abatteurs… Leur objectif est commun : enrayer la décapitalisation et assurer le renouvellement des générations dans tous les maillons de la chaîne.

Malgré la crise au sein de la filière d’abattage — qui contraint les outils à ne travailler que quatre jours sur cinq, voire à cesser totalement l’activité — Yves Fantou, président de Culture Viande, garde espoir. « Nous n’avons pas le droit de laisser tomber. Nous voulons continuer, c’est pour cela que de nombreux projets d’investissements sont en cours dans nos entreprises. Cette modernisation passe aussi par une montée en compétences de tous les employés. Si on veut avancer, il faut plus de confort au travail. »

Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine, abonde en ce sens, mais sous l’angle du prix. « Nous devons renforcer le respect des indicateurs de coûts de production. Plus ils seront respectés, plus on offrira d’opportunités et de solutions aux jeunes qui s’installent. »

Mettre en adéquation l’offre et la demande

En deux ans et demi, les cotations ont augmenté de 45 % sur les marchés. Selon Yves Fantou, cette hausse est « légitime », mais doit être accompagnée d’une réadaptation de la production afin de faire face à la concurrence. « En tant que maillon d’abattage, nous avons un rôle moteur dans l’orientation de la demande et de la mise en adéquation de l’offre. Si on ne s’adapte pas, d’autres pays le feront à notre place. » Des échanges semblent alors nécessaires entre tous les maillons pour produire ce qui est demandé, notamment en passant par la contractualisation.

Sur cet aspect, Bruno Debray met son véto. Le président de la Fédération française des marchés de bétail vif (FMBV) insiste sur « l’importance de garder une liberté de commercialisation. J’ai l’impression qu’on veut amener tout le monde dans le même chemin du contrat, mais il y a des gens qui ne se retrouvent pas dans ces méthodes-là. » Philippe Pruvost, représentant de la Fédération française des commerçants en bestiaux, affirme : « Nous serons en désaccord total avec les associations qui veulent obliger la contractualisation. Nous ne sommes pas contre, mais voulons qu’elle reste à la disposition de chacun. »

Bruno Debray souligne également la nécessité de « maintenir les cotations des marchés qui servent de repère à tous les éleveurs, même ceux qui n’y vendent pas d’animaux ».

« Garder des petites génisses »

Pour Patrick Bénézit, le prix minimum des coûts de production doit être « atteint collectivement pour enrayer la décapitalisation, qui fait des dégâts dans les fermes mais aussi dans tout le reste de la filière ».

Philippe Auger, président d’Elvea France, appelle les éleveurs à « garder des petites génisses cette année au moment du sevrage », afin d’anticiper un besoin en production dans les années à venir. « On sent que la filière est en train de se réveiller, la dynamique risque de changer et il faudra qu’on soit là pour produire, insiste-t-il. Anticipons dès maintenant ce renouvellement dans nos troupeaux. »