Depuis plusieurs semaines, les agriculteurs espagnols et italiens manifestent, bloquant des routes un peu partout autour des grandes villes. À l’instar de leurs confrères européens, ils dénoncent des prix trop bas, la concurrence étrangère déloyale, l’inflation, ou encore l’accumulation de normes.
Malgré des tentatives des gouvernements pour apaiser leur colère, les mobilisations en Espagne et en Italie se poursuivent, et les manifestants vont jusqu’à investir des lieux symboliques des capitales pour se faire entendre.
Des tracteurs en plein Madrid devant le ministère de l’Agriculture
Ainsi, en Espagne, une quinzaine de tracteurs sont restés stationnés environ deux heures ce jeudi 15 février 2024 devant le ministère de l’Agriculture, en plein cœur de Madrid. Ils se sont rendus sur place pour protester contre la crise du secteur, en marge d’une réunion avec le ministre de l’Agriculture, Luis Planas.
Les tracteurs étaient arrêtés, pelle en l’air, en fin de matinée sur le seuil du ministère, et les agriculteurs ont déployé des banderoles clamant « Les agriculteurs sur le pied de guerre » ou encore « Planas, la ruine de la campagne, tu l’avais proposée, tu l’as gagnée », a constaté un photographe de l’AFP. Sous la pluie, quelque 250 représentants du secteur accompagnés de syndicats, arrivés pour la plupart en bus, ont gêné la circulation sur cette grosse artère de la capitale avant de repartir avant 15h00.
Lo cierto es, q durante un par d días, estaba preocupado por España y los españoles.
— David (@Dsagunt) February 15, 2024
Q el cloroformo social y los tentáculos de la Agenda 2030, con sus Gobiernos, sindicatos, prensa, TV, radio, burócratas de Bruselas; habían hecho mella.
Y me encuentro una #tractorada en Madrid pic.twitter.com/TSyi6JZVE0
Le ministre échoue à mettre fin aux mobilisations des Espagnols
En fin d’après-midi, le ministre avait reçu les trois principaux syndicats d’agriculteurs et d’éleveurs (Asaja, Coag et UPA), au lendemain d’une réunion avec les différents représentants du secteur alimentaire.
À l’issue de cette rencontre, Luis Planas a annoncé un paquet de mesures répondant, selon lui, « aux trois » revendications du secteur. Il a ainsi expliqué qu’il plaiderait « le 26 [février] à Bruxelles » pour une « simplification de la Pac », et qu’il défendrait aussi bien auprès de l’Union européenne qu’auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) « le principe de réciprocité dans l’utilisation des produits phytosanitaires dans la production alimentaire », soit les fameuses « clauses miroirs » pour les produits importés.
Il a également annoncé « la création d’une agence nationale d’information et de contrôle des aliments », afin d’éviter que les agriculteurs se voient obligés de vendre leur production à prix cassé.
Les syndicats ont qualifié la réunion de positive, mais ont exclu pour l’instant un accord définitif et ont annoncé qu’ils poursuivraient leurs protestations. « Nous avons constaté des progrès importants » mais « les mobilisations vont continuer », a déclaré le président d’Asaja, Pedro Barato.
À nouveau, les trois syndicats agricoles ont prévu une manifestation le 21 février à Madrid devant le ministère de l’Agriculture, suivie d’une autre le 26 toujours dans la capitale, le même jour que la réunion du conseil des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne.
Plus d’un millier d’agriculteurs manifestent à Rome
À Rome aussi, les agriculteurs se sont donné rendez-vous le jeudi 15 février. Ils étaient plus d’un millier dans la capitale italienne, conduisant notamment des tracteurs sur un grand stade antique de la ville, le Circus Maximus, a constaté l’AFP. Parallèlement, un petit groupe s’est rassemblé au Palazzo Chigi, siège du gouvernement de Giorgia Meloni, tandis qu’une délégation s’était rendue jeudi matin au siège de la Commission européenne à Rome pour remettre une lettre de revendications.
« Actuellement, les Italiens, les agriculteurs ne décident de rien », a déploré devant les journalistes l’un des représentants des agriculteurs, Pino Convertini. « Nous n’avons ni un pouvoir de négociation sur les prix, ni sur les choix politiques faits en haut lieu. Alors, que devons-nous faire ? »
Depuis le début de janvier, des agriculteurs manifestent de la Sicile jusqu’au nord de l’Italie contre la baisse de leurs revenus et la hausse de leurs coûts de production, même si l’ampleur du mouvement n’a pas atteint le niveau des rassemblements en France, en Allemagne ou en Belgique.
Le 9 février, Giorgia Meloni avait organisé une table-ronde avec des associations d’agriculteurs italiens, au cours de laquelle elle a promis la restauration d’exemptions fiscales que son gouvernement d’extrême droite avait suspendues.
Des réponses à l’échelle européenne
La Commission européenne a également fait des concessions ces dernières semaines face aux protestations à travers l’Europe, avant les élections européennes au début de juin. Bruxelles a adopté une exemption partielle pour 2024 aux obligations de jachères, revendication clé des manifestants, et abandonné un projet législatif visant à réduire l’usage des pesticides.