Les agriculteurs français ont levé le vendredi 2 février 2024 la plupart de leurs barrages routiers, au lendemain des annonces effectuées par le gouvernement, concernant une aide globale de 400 millions d’euros et la mise « en pause » du plan Ecophyto. De nombreux autres pays européens sont encore secoués par les mouvements de protestations des agriculteurs, avec des revendications sensiblement identiques : politique européenne trop complexe, revenus trop bas, inflation, concurrence étrangère, accumulation de normes, flambée des prix du carburant.
Des milliers d’agriculteurs mobilisés en Espagne
Ce mardi 6 février 2024, des milliers d’agriculteurs manifestent dans différentes régions d’Espagne, bloquant plusieurs routes à l’aide de leurs tracteurs. Selon la Direction générale du trafic, cette mobilisation s’est traduite mardi matin par des dizaines d’opérations escargot et de blocages dans tout le pays, en particulier dans les provinces de Zamora, Tolède, Séville, Murcie et Gérone.
Là aussi, les motifs de colère « ne manquent pas », a assuré sur le réseau social X (ex-Twitter) la Unión de Pequenos de Agricultores y Ganaderos, l’un des syndicats agricoles hispaniques. Un message relayé par les trois principaux syndicats agricoles espagnols (Asaja, Coag, UPA), qui ne participent pas au mouvement du 6 février, mais ont prévu d’autres manifestations dans les prochains jours, dont le 8 février à Salamanque et Huesca, ainsi que le 9 février à Bilbao.
La colère agricole s’empare de l’Espagne (30/01/2024)
En Espagne, premier pays européen exportateur de fruits et légumes, les agriculteurs s’étaient déjà mobilisés la semaine dernière, rejoignant le mouvement de colère européen. En conséquence, les trois syndicats majoritaires avaient été reçus en urgence vendredi 2 février par le ministre de l’Agriculture Luis Planas, qui s’était engagé à « travailler » pour répondre à la crise du secteur. Cette réunion n’a pas suffi à désamorcer la situation.
Sur le sol italien, un convoi de tracteurs approche de la capitale
En Italie, un convoi d’une cinquantaine de tracteurs, parti de Toscane, a convergé lundi 5 février vers Rome, la capitale du pays. Stationnant à ses portes, les agriculteurs italiens ont l’intention d’y rester toute la semaine jusqu’à une manifestation devant rassembler entre 1 500 et 2 000 tracteurs vendredi, a indiqué à l’AFP Andrea Papa, cofondateur du mouvement « Riscatto agricolo » (Redressement agricole).
« Nous sommes venus pour rencontrer le ministre de l’Agriculture et lui demander l’ouverture d’une table ronde permanente », a expliqué ce céréalier de 33 ans.
À Turin, environ 200 tracteurs sont massés près du périphérique, et prévoient d’y demeurer toute la semaine, selon un photographe de l’AFP. La dirigeante d’extrême droite, Giorgia Meloni, et son gouvernement reprochent régulièrement à Bruxelles d’imposer, au nom de la transition écologique, des normes contraires aux intérêts industriels et agricoles de l’Italie.
Vague de protestations néerlandaise et belge
Le nord de l’Europe n’est pas en reste. Hier soir aux Pays-Bas, des centaines d’agriculteurs ont organisé des manifestations, bloquant des autoroutes et allumant des feux, ont rapporté la police et des médias néerlandais.
Vanavond was er een #boerenprotestactie op het Provinciehuis van #Gelderland. Boeren hebben een petitie overhandigd met een duidelijke boodschap: de politiek moet stoppen met anti-boerenbeleid! #JA21 Gelderland steunt en maakt zich hard voor de #boer! pic.twitter.com/60F7en6c1f
— JA21 Gelderland (@JA21Gelderland) February 1, 2024
Plusieurs actions de protestation avaient déjà eu lieu vendredi dernier sur des autoroutes du pays, bloquant notamment l’une d’elles au nord d’Amsterdam, selon l’agence de presse néerlandaise ANP.
Des mobilisations similaires ont eu lieu en Belgique, où l’autoroute à la frontière belgo-néerlandaise était occupée du côté belge dans la journée de vendredi par des tracteurs. La plupart des blocages ont ensuite été levés en Belgique, mais plusieurs centres de distribution de chaînes de supermarchés restaient bloqués samedi, selon l’agence Belga.
Des agriculteurs belges bloquent une autoroute (29/01/2024)
Blocage de l’aéroport de Francfort par des agriculteurs allemands
Les agriculteurs allemands ont aussi suivi le mouvement. Jusqu’à samedi 3 février en début d’après-midi, plusieurs centaines d’agriculteurs à bord de tracteurs, opposés à un projet de réduction des subventions pour le diesel, ont perturbé l’accès à l’aéroport de Francfort, le plus important du pays, a indiqué la police de la ville.
Vers midi, la police avait estimé que 400 tracteurs prenaient part à cette manifestation, tandis que l’association d’agriculteurs du Land de Hesse en comptait jusqu’à un millier.
Les agriculteurs suisses se mobilisent à leur tour
Si la Suisse n’est pas membre de l’Union européenne, ses agriculteurs ne se privent pas pour autant de faire remonter leurs revendications au Conseil fédéral du pays. « En Suisse, beaucoup de gens disent que la situation est différente et qu’on ne subit pas les politiques » de l’Union européenne, « mais en réalité on est quand même dans le même genre de cadre », a déclaré à l’AFP Eline Müller, secrétaire syndicale de l’organisation paysanne Uniterre.
Organisé par Uniterre, après qu’un autre syndicat agricole, l’Union suisse des paysans, a lancé une pétition comportant plusieurs revendications, un cortège d’une trentaine de tracteurs a défilé samedi 3 février dans les rues de Genève pour exprimer la « révolte » et les revendications des paysans suisses. « C’est le premier rassemblement paysan en Suisse faisant suite aux manifestations et blocages qui ont lieu partout en Europe », a expliqué Eline Müller.
En Roumanie, un accord a mis un terme aux mobilisations
La situation en Roumanie s’est stabilisée. Les agriculteurs roumains, associés aux transporteurs routiers, étaient pourtant parmi les premiers à crier leur « ras-le-bol » et à bloquer des axes routiers. Faisant suite à l’annonce d’un accord avec le gouvernement roumain, les agriculteurs ont mis fin à leur blocage dès samedi 3 février.
L’un de leurs représentants, Danut Andrus, a déclaré à l’AFP qu’ils étaient « satisfaits » d’avoir obtenu une place à la table des négociations, l’une des conditions pour mettre fin au mouvement. Depuis plus de trois semaines, ils étaient mobilisés pour des actions coup de poing et des opérations escargot en périphérie des grandes agglomérations roumaines.
Des premiers éléments de réponses de l’Union européenne
La liste des pays européens touchés par cette vague de protestations du monde agricole ne s’arrête pas là. Portugal, Grèce, Pologne, Hongrie et Irlande connaissent également des manifestations à l’initiative des agriculteurs, par soutien aux autres agriculteurs européens et pour faire remonter leurs revendications.
Afin de tenter d’éteindre la colère des agriculteurs européens, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé ce mardi 6 février matin l’abandon du projet de règlement SUR. Ce projet de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici à 2030, élément clé du pacte vert, était devenu « un symbole de polarisation » des agriculteurs à travers l’Europe, selon ses propres mots.