Quels sont les poids lourds de la production de viande bovine en Europe, alors que le cheptel décline ? « Six Etats membres assurent les trois quarts de la production, répond Caroline Monniot, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage (1). Il s’agit de la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, l’Irlande et la Pologne. Trois pays ont augmenté leur production ces dernières années : la Pologne, l’Espagne et l’Irlande. »
La Pologne engraisse davantage de veaux
La Pologne a changé de stratégie en 2004 lors de son entrée dans l’Union européenne. Historiquement, elle possède « beaucoup de vaches laitières, et donc beaucoup de veaux qu’elle exportait avant d’intégrer l’Union européenne, rappelle Caroline Monniot (1). Les opérateurs économiques ont réalisé qu’il était bien plus rentable de les engraisser pour ensuite exporter des carcasses de jeunes bovins. »

L’Espagne a aussi développé l’engraissement de jeunes bovins, à partir de son cheptel allaitant et en achetant des veaux français. Jusque récemment, la production irlandaise a progressé, « de l’ordre de 3 % en dix ans, estime Caroline Monniot. […] Avec la perspective de la fin des quotas laitiers en 2015, les éleveurs ont gardé plus de vaches. » Et même si le cheptel allaitant a reculé, le pays avait, au final, plus de veaux et donc plus de bœufs, de génisses et de vaches de réforme.
Depuis mai 2025, l’offre irlandaise baisse. « Les abattages de bovins reculeraient de 150 000 têtes en 2025 par rapport à 2024, selon les estimations de Bord Bia (2), constate Caroline Monniot. Et en 2026, ils baisseraient à nouveau, de 45 000 têtes cette fois. C’est principalement la conséquence des exportations en vif soutenues pendant les deux dernières années. Il reste moins de bœufs et génisses élevés sur place, et le nombre de vaches laitières après avoir atteint un plafond, s’oriente au reflux. »
Les trois autres principaux pays producteurs, à savoir la France, l’Italie et l’Allemagne, ont « plutôt connu une baisse de l’engraissement de jeunes bovins, en plus du recul du nombre de vaches. Ils ont donc perdu du terrain sur le marché européen sur le long terme, jusque tout récemment, puisqu’en 2024, la France et l’Allemagne ont connu un petit sursaut d’engraissement. »
Des marchés porteurs
L’Italie reste le principal marché cible de ces pays européens exportateurs. Elle « est déficitaire en viande bovine et consomme beaucoup de viande de jeunes bovins. C’est là que cette viande est la mieux valorisée en Europe, notamment les quartiers arrière. Le pendant de l’Italie pour les avants est le marché grec. C’est donc aussi un pays visé par les opérateurs européens de la viande. »
D’autres marchés se sont développés sur le pourtour sud et est de la Méditerranée, mais loin d’atteindre en volumes ce que représentent la Grèce et l’Italie. la demande en Turquie et en Algérie était forte en 2023 et 2024. La Pologne et l’Espagne se sont placées sur ces marchés, libérant de l’espace pour la viande de jeunes bovins français en Italie, en Grèce et en Allemagne.

« La France reste le principal producteur de viande bovine en Europe, représentant 20 % des abattages », insiste Caroline Monniot. Elle n’est pas la seule à être touchée par la FCO (3). L’Allemagne a aussi enregistré une baisse des naissances. On va vers un manque durable d’offre. La France conserve sa place de premier producteur, et les éleveurs ont une carte à jouer. »
(1) Lors d’un entretien réalisé en mai et dont les informations ont été mises à jour avant la publication. (2) Agence publique irlandaise. (3) Fièvre catarrhale ovine. Les conséquences de la dermatose nodulaire contagieuse sont encore difficiles à chiffrer.