Le marché de la fibre de lin, qui représente 0,4 % des fibres mondiales, est en croissance depuis dix à quinze ans, tiré par une demande en produits écoresponsables à la fois du consommateur et de certaines marques. « Cette trajectoire s’est vue à travers la représentation du lin dans les collections, à travers les surfaces [de lin textile] qui ont augmenté, à travers les outils dont s’est dotée la filière », souligne Olivier Guillaume, ancien président de la filature Safilin et désormais chez le tisseur belge Libeco. Il s’est exprimé le 19 juin 2025 lors des rencontres interprofessionnelles des filières textiles lin bio et chanvre, à Montcavrel dans le Pas-de-Calais.
Plus récemment est arrivée « une prise de conscience » que les aléas climatiques peuvent mettre en risque la culture, malgré la hausse des surfaces. « Cela a commencé à déstabiliser le marché, et les niveaux de prix ont progressivement augmenté et impacté toute la chaîne », poursuit Olivier Guillaume. En 2023 et 2024, un déséquilibre entre l’offre et la demande, lié à un déficit d’offre, a provoqué une explosion du prix des fibres de lin. « Ce qui n’est pas sans conséquences », appuie le spécialiste.
De 4 €/kg de fibre à 10 €/kg en deux ans
« Ce déséquilibre n’a pas été maîtrisé ni contrôlé, et les prix des fibres longues sont passés de 4 €/kg à plus de 10 €/kg en près de deux ans. Le lin est une fibre attrayante qui a des atouts, mais le marché ne peut pas subir de telles brutalités », rapporte Olivier Guillaume. Il insiste que la confiance dans le lin « doit être préservée », notamment pour les marques qui ont perdu en visibilité. Certaines ont fait le choix de déréférencer le lin, dans l’habillement et surtout dans l’ameublement.
Cette confiance est pourtant essentielle. « Les investissements importants qui ont été faits dans des outils de transformation ont besoin d’un marché pérenne, affirme l’expert. Or, on ne pérennise pas un marché en générant un chaos. » Il insiste que la filière n’a pas la volonté de brider le marché mais au contraire à accompagner son développement.
Offre déficitaire
« En septembre 2024, des teilleurs ont été proches du coup d’arrêt. Les fibres ne partaient plus, les chinois ont arrêté d’acheter, alors que 85 % sont exportées en Chine et en Inde. C’était un vrai signal », résume Olivier Guillaume. La récolte 2024 de fibre de lin a été supérieure à celle de 2023. « Les prix ont baissé, probablement un peu trop, et trop vite. Tout le monde revient à l’achat et se réapprovisionne, et on est reparti sur une période haussière », explique-t-il.
« La demande croît de quelques pourcents d’année en année, mais l’offre reste encore sous-dimensionnée. Sans mécanismes pour limiter les envolées comme on a connu l’année dernière, on risque de perdre durablement des marchés et des clients », ajoute-t-il.
Le marché du lin fibre en phase d’ajustement (18/03/2025)
Le lin bio, victime collatérale
Le marché de la fibre bio de lin a pâti de l’explosion du prix de la fibre conventionnelle. « Quand le référentiel passe dans la zone rouge et que ses prix ne sont plus compatibles avec le marché final, il n’est plus possible de valoriser le lin bio au-dessus de ça, rapporte Olivier Guillaume. On a commencé à voir cela en 2023, puis de façon plus marquée en 2024. »
Les excès de prix du conventionnel ont momentanément bridé la volonté des marques d’incorporer le lin bio dans les collections. « Pour autant on y croit, martèle le spécialiste. Il suffirait qu’une relative stabilité s’installe dans les prochains moins pour que le lin bio retrouve sa place. Sauf qu’il n’existe aucun mécanisme de contrôle à ce jour. »