En colza et tournesol, le manque de disponibilités à court terme en Europe se fait ressentir, et permet aux cours du colza de rapidement revenir à proximité de leurs plus hauts de campagne. Ainsi les tendances s’opposent entre complexes céréaliers et oléagineux.

Une tendance baissière bien ancrée pour le blé

La semaine a été marquée par un nouveau repli hebdomadaire de –11 €/t sur les cours du blé pour revenir autour de 209 €/t en base juillet rendu Rouen. Le contexte géopolitique est toujours sur le devant de la scène. Le retour de la guerre commerciale continue d’apporter son lot d’incertitudes sur les marchés céréaliers, à l’heure où de nouvelles déclarations de la part de Donald Trump sont attendues au début d'avril.

À cela s’ajoutent les négociations de paix dans la région de la mer Noire. Les discussions se multiplient entre les membres des gouvernements américain et russe et le marché intègre cette nouvelle comme baissière, bien aidé par les ventes massives de la part des fonds. Pour autant, les flux d’exportations au départ d’Odessa ont repris à un rythme très dynamique depuis plusieurs mois. La logistique ukrainienne ne semble plus impactée par les conflits armés, et les disponibilités de céréales sont désormais très restreintes.

Dans ce contexte, le blé français regagne de la compétitivité par rapport à ses homologues de la région de la mer Noire mais la demande semble à ce jour trop timide pour inverser la tendance du marché. Face au ralentissement des achats chinois et aux tensions diplomatiques avec l’Algérie, le Maroc se positionne comme le principal débouché du blé français en cette fin de campagne. Le récent repli des cours a permis aux acheteurs marocains de se positionner.

L’activité ainsi se dynamise. En mars, 440 000 tonnes de blé français ont pris la direction du Maroc. C’est un record depuis le début de la campagne et une bouffée d’air pour les exportateurs hexagonaux. Mais l’activité devra se poursuivre jusqu’à la fin de la campagne pour atteindre l’objectif de 2,9 millions de tonnes d’exportations vers les pays tiers, selon Argus Media.

Enfin, du côté de la nouvelle campagne, les inquiétudes sur la production russe se dissipent en raison de l’amélioration prévue par les modèles météorologiques. Des pluies bénéfiques sont attendues dans la zone de production du sud de la Russie, ce qui devra être confirmé dans les prochaines semaines. Le retour des précipitations est plus hétérogène aux États-Unis, où le déficit hydrique se fait toujours ressentir dans certains États. Enfin, les conditions de culture continuent de se stabiliser du côté de la France, avec 74 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions.

Vers une hausse des surfaces de maïs aux États-Unis

L’Europe repousse à la mi-avril la mise en place de ses taxes sur les produits américains, dont le maïs fait partie. Cela laisse supposer que la porte des négociations est toujours ouverte. Pourtant, l’incertitude tarifaire globale ne rassure pas les opérateurs américains. Les fonds continuent de liquider leurs positions longues à la Bourse de Chicago, ce qui accentue la pression baissière sur le complexe céréalier. Si le maïs américain gagne ainsi en compétitivité, ce qui lui permet une fois de plus de réaliser de correctes ventes hebdomadaires à l’exportation, il reste malgré tout relativement plus rentable que le soja pour les agriculteurs américains.

Dans ce contexte, les opérateurs s’attendent à ce que l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) augmente lundi 31 mars 2025 son estimation des surfaces de maïs semées aux États-Unis à près de 94,4 millions d’acres, soit plus que la précédente estimation à 94 millions d’acres, et plus aussi que les 90,6 millions d’acres de l’an passé.

Dans cet environnement morose, le maïs français cède cette semaine –5 €/t en tombant à 199 €/t rendu Bordeaux. Cette baisse est tout de même moins importante que celles connues en blé ou en orge fourragère. Il faut dire qu’en Europe, le maïs se doit de rationner sa demande et/ou de stimuler les importations. En effet, l’Ukraine ne sera pas le principal fournisseur de l’Europe cet été, ses volumes de maïs restant à exporter se réduisant rapidement. D’ailleurs, le maïs ukrainien est dorénavant 17 $/t plus cher que le maïs français. L’Europe devra donc se tourner vers le maïs brésilien, dont les semis sont désormais terminés.

Afin de planifier les besoins européens à l’importation, les regards se portent déjà sur les perspectives de production nouvelle campagne. La Commission estime la récolte de 2025 à 65 millions de tonnes, en hausse par rapport aux 59,3 millions de tonnes de l’an passé. La hausse des surfaces en Europe de l’Est devra toutefois être confirmée, les agriculteurs locaux étant échaudés par la culture du maïs après de nombreux accidents de production successifs ces dernières années.

Un marché du colza très chahuté en mars

En l’espace d’un mois, les prix du colza auront été fortement chahutés. Après une baisse de l’ordre de –70 €/t au début de mars, les cours ont su reprendre +55 €/t pour revenir se positionner autour de 522 €/t Fob Moselle. Il faut dire que la situation est très contrastée entre d’un côté le retour de la guerre commerciale en Amérique du Nord et de l’autre la forte tension des bilans européens en cette fin de campagne.

Tout d’abord, les multiples annonces de taxes à l’importation de la part des États-Unis puis de la Chine pourraient priver le Canada de ses deux principaux débouchés d’huiles et de tourteaux de canola. Le marché du canola a chuté, entraînant d’abord dans son sillage les cours du colza européen. Pour autant, le regain de fermeté des huiles permet au marché du colza de rebondir.

La baisse saisonnière de production d’huile de palme à cette période de l’année vient tendre un bilan déjà peu confortable et si un rationnement de la demande est en place, les besoins de l’Inde et de la Chine ne sont pas totalement compressibles. La fermeté de l’huile de palme sur le marché européen s’accompagne de la hausse de l’huile de soja, dont les ventes à l’exportation aux États-Unis sont toujours dynamiques. Cela redonne de la compétitivité à l’huile de colza, qui reprend +85 €/t en deux semaines à 1 105 €/t à Rotterdam.

Le rebond de l’huile de colza entraîne celui des marges de trituration. Compte tenu des faibles disponibilités européennes, le marché européen ne peut pas se permettre de stimuler davantage de demandes. La graine de colza n’a d’autre choix que de rebondir afin de rationner l’activité industrielle.

Les regards se tourneront ensuite du côté de la nouvelle campagne. Les prix du canola ne sont pas attractifs pour stimuler une hausse des surfaces au Canada. Du côté de l’Europe, les bonnes conditions de semis ont été bénéfiques en Europe de l’Est. Les surfaces globales à l’échelle de l’Union européenne ne devraient tout de même pas être fortement modifiées par rapport à l’an passé.

Le soja américain concurrence le soja brésilien

Le marché des tourteaux de soja reste globalement sous pression. En Argentine, les conditions de culture s’améliorent. La récolte n’a pas encore commencé et 32 % des surfaces sont désormais estimées en bon ou excellent état par la Bourse de Buenos Aires, contre 24 % le mois dernier. Au Brésil, les récoltes progressent et commencent à approvisionner le marché mondial. Ce sont 76 % des surfaces qui sont battues à l’échelle du pays. La production record estimée à 169 millions de tonnes par l’USDA tend à se confirmer.

Malgré l’arrivée de ces volumes sur le marché, le soja américain est encore le plus compétitif, ce qui est particulièrement inhabituel en cette période de l’année. Il faut dire que l’incertitude géopolitique et le risque d’escalade des tensions commerciales, notamment avec la Chine, font pression sur le marché américain. Pour autant, les opérateurs américains seront très attentifs lundi prochain à la publication de la nouvelle estimation de l’USDA des surfaces de soja en 2025. Ils s’attendent pour l’instant à 83,8 millions d’acres semés, contre 87,1 millions d’acres l’année précédente.

Dans ce contexte global, le prix du tourteau de soja à Montoir cède –2 €/t en se repliant à 367 €/t sur le spot, à proximité de ses plus bas de campagne. À plus long terme, les acteurs européens restent également attentifs aux répercussions au 1er janvier prochain du règlement déforestation de l’Union européenne susceptibles de pénaliser les importations en provenance du Brésil.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : rapport de l'USDA sur les surfaces de 2025 et les stocks trimestriels aux États-Unis le 31 mars ; report des taxes européennes à l’encontre des produits agricoles américains (maïs, soja) ; mise en place des taxes américaines à l’importation réciproques au 2 avril ; suivi des ventes à l'exportation hebdomadaires aux États-Unis ; rythme des importations européennes (maïs, colza/canola) ; évolution de la parité euro/dollar ; retour des précipitations en Russie ; rythme des exportations du blé français ; conditions de culture du maïs safrinha au Brésil.