Les grains n’avaient pas été épargnés par la guerre commerciale entre Pékin et Washington. La détente scellée le 30 octobre 2025 lors de la rencontre entre les présidents Donald Trump et Xi Jinping a enclenché une désescalade très attendue par les intervenants et entraîné une hausse générale des prix agricoles. À la Bourse de Chicago, les cours du blé et surtout du soja étaient en hausse sur une semaine. La graine oléagineuse, transformée en huile et valorisée en agrocarburants, s’échangeait à plus de 11,1 dollars le boisseau (27 kg) hier, le mercredi 5 novembre.

« Un élément de soutien du marché américain à court terme »

Selon l’accord passé entre les deux puissances, qui n’est pas encore signé, « la Chine se serait engagée à acheter 12 millions de tonnes de soja aux États-Unis d’ici le 1er janvier et ensuite 25 millions de tonnes chaque année sur 2026, 2027 et 2028 », indique Sébastien Poncelet, analyste chez Argus Media.

Alors que Pékin n’a pas acheté une graine de soja américain depuis des mois, « l’annonce de l’exportation de 12 millions de tonnes en deux mois est un élément de soutien du marché américain à court terme », relève-t-il. Les États-Unis exportent annuellement quelque 50 millions de tonnes de soja, dont plus de la moitié vers la Chine (28,5 millions de tonnes en moyenne).

« Donc l’accord qui prévoit 25 millions de tonnes par an, c’est moins que la moyenne » mais « c’est important » sachant que les États-Unis ont développé leurs capacités de trituration, prévient Sébastien Poncelet. Ce développement de la trituration vise notamment à « limiter leur exposition sur le marché export » en transformant plus de graines à domicile, « en anticipation d’une montée en puissance des exportations brésiliennes », explique-t-il.

Des doutes sur les achats chinois

Dans l’immédiat, les analystes américains se montraient prudents concernant cet accord. « Le problème, c’est que vous avez affaire à la Chine. Ce pays a la réputation de ne pas respecter ses contrats, et cet accord commercial n’est pas juridiquement contraignant […]. Il n’y a donc aucune pénalité en cas de non-respect des engagements », souligne Dewey Strickler, analyste pour Ag Watch Market Advisors.

Il relève qu’au cours du week-end, la Chine a certes acheté 10 à 20 cargos de sojas, mais « provenant du Brésil », qui offre aujourd’hui « le prix le plus bas ». Le marché « s’est emballé » et les prix du soja sont aujourd’hui « largement surévalués », estime Dewey Strickcler.

« Il y a de fortes chances que nous assistions actuellement à un pic des cours » du soja, renchérit Jack Scoville de Price Futures Group, qui « doute sincèrement » que la Chine « achète les 12 millions de tonnes promises » d’ici la fin de l’année.

La concurrence du blé argentin

Le prix du blé américain « a profité de la popularité du soja » pour Dewey Strickler. Et peut-être aussi d’une rumeur persistante d’achat chinois de « trois à cinq bateaux de blé américain », impossible à vérifier en l’absence de statistiques officielles américaines, relève Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.

De l’autre côté de l’Atlantique, les cours des blé, maïs et colza sont soutenus par le mouvement de repli de l’euro face au dollar. Le blé, qui s’échangeait mercredi à plus de 195 euros la tonne sur Euronext (+ 2,6 % en 10 jours), est aussi soutenu par la « rétention à la vente des producteurs ».

En dépit d’une hausse des prix, les agriculteurs rechignent à vendre leur production alors que « les cours mondiaux ne leur permettent toujours pas de couvrir leurs coûts de production », explique Sébastien Poncelet. Alors que les prix du blé originaire de la mer Noire ne baissent pas, le blé français a désormais pour premier concurrent le grain argentin, de 15 à 20 dollars moins cher par tonne (hors frais de transport), souligne Damien Vercambre.

Par ailleurs, en l’absence de nouvelles données du fait du « shutdown » — gel de nombreuses activités de l’administration fédérale américaine -, l’incertitude demeure quant à la production de maïs aux États-Unis. Pour Jack Scoville, la récolte américaine — estimée en septembre à un record de 425 millions de tonnes — « va être très bonne » mais est « un peu surestimée ».