« Depuis quelques semaines, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine s’envenimaient à l’approche de l’ultimatum du 1er novembre, date à laquelle les taxes américaines à l’export devaient être mises en place, rappelle Sébastien Poncelet, directeur du développement chez Argus Media France. Chacun y allait de ses représailles, la dernière étant la menace de frein de la Chine sur ses exportations de terres rares. »
« Finalement, les présidents Trump et Xi Jinping ont trouvé un accord le 30 octobre dernier, à l’occasion d’une rencontre à Séoul en Corée du Sud. Les négociations pour le volet agricole se sont centrées sur le soja car à la différence des céréales, le débouché Chinois est incontournable pour les États-Unis. La Bourse de Chicago a dès lors réagi, avec des cours du soja en forte progression à l’issue de cette rencontre jugée concluante par les deux dirigeants ».
Un engagement jusqu’en 2028
« Le secrétaire américain au Trésor Scott Bessent a ensuite rapidement divulgué les termes de l’accord. La Chine s’engagerait dans un premier temps à acheter 12 millions de tonnes de soja américain avant le 1er janvier 2026. Ce premier consensus rattraperait de quelque peu la totale absence de la Chine pour l’achat de soja américain, en nouvelle récolte. Cela étant dit, il s’agit d’un gros volume à réaliser en seulement deux mois. Cette situation entraînerait un appel d’air colossal de soja américain et mettrait en surchauffe la logistique des États-Unis. Cela apporterait en soutien supplémentaire aux cours de la graine de soja à la Bourse de Chicago. »
« Le deuxième engagement de la Chine porte sur l’achat de 25 millions de tonnes de soja américain pour chacune des trois prochaines années 2026, 2027 et 2028, reprend Sébastien Poncelet. À première lecture, ce volume paraît un non-évènement au regard des 28,8 millions de tonnes exportées vers la Chine en moyenne sur les cinq dernières années. Cependant, les capacités d’exportations des États-Unis ne sont plus les mêmes qu’il y a cinq ans. »

« En effet, le pays a depuis misé sur le développement de sa trituration pour son marché intérieur, une sorte de technique de diversion face au rouleau compresseur brésilien. La capacité de trituration des États-Unis pourrait même dépasser les 70 millions de tonnes d’ici 2026. Finalement, ces 25 millions de tonnes pourront être quelque chose de très sollicitant et challengeant pour le bilan américain. Mais encore faut-il que tout cela se fasse… »
Le Brésil toujours leader
« À l’heure d’aujourd’hui, rien n’est signé, poursuit-il. La situation peut encore changer même si objectivement, on n’y croit pas au vu de l’énergie mise dans cette négociation. La réelle signature de l’accord est attendue possiblement courant de cette semaine, mais c’est loin d’être une évidence. Le second élément d’incertitude concerne l’engagement réel de la Chine : va-t-elle respecter ses engagements jusqu’en 2028 ? On se souvient du précédent accord de 2019 qui n’avait pas été entièrement honoré, le gouvernement chinois s’étant justifié par la crise du Covid. »
« Enfin, la signature de cet accord est surtout l’affaire des États-Unis. L’équilibre mondial du marché du soja, s’il est influencé par ce qui se passe chez les Américains, l’est aussi par ce qui se passe en Amérique du Sud. Et les faits sont là : la production sud-américaine, tant brésilienne qu’argentine, se dirige vers de nouveaux records pour la et les années à venir. On ne manquera donc pas soja au niveau mondial. Le marché américain de Chicago est un thermomètre qui participe à la psychologie des marchés, mais ce n’est pas la réalité des flux mondiaux. »