Coincé entre une consommation culpabilisante et le poids de l’inflation, l’amateur de foie gras renforce le caractère exceptionnel du produit en l’attirant vers le pôle de la distinction. C’est le paradoxe que met en lumière une étude menée par l’institut Ipsos en mars 2023 que vient de rendre publique FranceAgriMer.
Commandée par l’interprofession du foie gras, le Cifog, cette enquête cherche à mieux connaître l’image du foie gras et les usages de consommateurs, alors que la production de foie gras française a nettement diminué (environ –60 %) depuis 2015.
Patrimoine gastronomique
Les marqueurs habituels du foie gras ne semblent pas être vraiment remis en cause. Il reste une part du patrimoine gastronomique associé au terroir et plutôt réservé aux moments de célébration qui s’écartent de l’ordinaire. Les consommateurs adoptent aussi une attitude patrimoniale dans leurs achats puisqu’ils conservent d’une année sur l’autre leurs habitudes d’achat et leurs fournisseurs.
Peut-être que l’influenza aviaire aurait pu les dévier de leur routine ? En vrai, pas trop. Parmi ceux qui n’ont pas acheté de foie gras au cours des deux dernières années, seuls 6 % d’entre eux ont expliqué leur choix par les épisodes de grippe aviaire. Ils se déclarent pourtant bien informés sur le sujet. Les inquiétudes des consommateurs ne sont pas centrées sur les effets de la grippe aviaire sur la santé humaine mais sur les répercussions d’une baisse de la production française : des produits importés de moindre qualité et une envolée des prix appréhendée par les consommateurs.
Hausse de prix
Et justement, le contexte général de hausse des prix pourrait-il freiner les achats d’un produit déjà traditionnellement cher ? s’interroge l’Ipsos. Manifestement oui, répond l’institut de sondage. 83 % des acheteurs ont observé une hausse des prix et 38 % déclarent en avoir acheté moins que l’an dernier. Et le prix est un critère qui gagne en importance : 59 % le considèrent comme une information déterminante contre 49 % en 2020.
Cette contrainte s’ajoute à une tendance de moyen terme qui associait le foie gras à une forme de culpabilité qui conduisait à enchérir le panier d'achats. Les critiques sur le gavage, qui est un processus peu connu, mobilisent un imaginaire collectif qui associe des questions éthiques au mode d’élevage, même si l’image de la filière s’améliore, en particulier quant à sa prise en compte du bien-être animal (52 % en 2023 contre 42 % en 2020).
Plaisir et éthique
Deux stratégies existent pour résoudre ce conflit et continuer à associer plaisir et éthique. Ceux qui consommaient du foie gras tout au long de l’année le réduisent désormais à des moments festifs prédéfinis, comme Noël et le jour de l’an. Et ceux qui accordaient déjà une grande importance à l’origine et à la qualité de leur foie gras sont encore plus exigeants sur ces critères.
Ce double mouvement conduit à renforcer le caractère exceptionnel du produit, de plus en plus réservé aux fêtes de fin d’année. Ce n’est pas sur la qualité que les Français choisissent de négocier mais sur la quantité. L’achat de foie gras devient de plus en plus exceptionnel.
En conclusion, l’Ipsos recommande à la filière de communiquer encore plus autour de son processus de production, en évitant l’écueil d’un discours trop technique.