L’histoire
Agnès était propriétaire d’un joli manoir entouré d’un jardin d’agrément planté en oliviers et en cerisiers. Le plan cadastral dont elle disposait ne permettant pas de déterminer avec précision les limites de sa propriété, Agnès avait saisi le conciliateur de justice. Il avait invité Vincent, propriétaire des parcelles contigües, à une tentative de conciliation en vue d’un bornage amiable. Mais Vincent avait fait valoir que son acte de propriété était suffisant et avait refusé le bornage amiable.
Le contentieux
Aussi, Agnès avait-elle assigné Vincent en bornage judiciaire devant le tribunal. Elle s’était fondée sur l’article 646 du code civil. Selon ce texte, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contigües. Le bornage se fait à frais communs. Le tribunal avait alors désigné un géomètre-expert en vue de procéder à l’établissement du procès-verbal de bornage. Le géomètre avait retrouvé une borne située à un angle droit formé par les deux propriétés, permettant d’établir une ligne séparative. Il s’était ensuite fondé sur cette borne pour établir son procès-verbal de bornage.
Mais Vincent, qui s’était opposé au bornage avait conclu à l’irrecevabilité de la demande d’Agnès. Il est vrai que selon la jurisprudence, une demande en bornage judiciaire est irrecevable si la limite divisoire fixée entre les fonds a été matérialisée par des bornes. Aussi selon Vincent, le juge devait-il refuser d’accueillir la demande de bornage d’Agnès, dès lors qu’il devait être déduit de la découverte de bornes anciennes un titre à la délimitation des propriétés telle qu’elle résultait d’un bornage antérieur ainsi révélé.
Les juges avaient suivi Vincent dans son argumentation. Ils avaient déclaré la demande d’Agnès irrecevable. En effet, la borne retrouvée à l’angle droit formé au nord des deux propriétés permettait de définir le trajet de la ligne séparative et d’en déduire une présomption d’existence d’un bornage antérieur, qu’Agnès n’avait pas renversée en démontrant que les bornes avaient été mal placées.
Mais Agnès ne pouvait accepter une telle solution. A l’appui de son pourvoi, elle avait rappelé qu’une demande en bornage n’est irrecevable que si les limites divisoires fixées entre les fonds ont été matérialisées par des bornes implantées sur le terrain, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
La haute juridiction a accueilli son recours. La présence d’une seule borne ne rendait plus effective la matérialisation de la ligne séparative fixée lors d’un précédent bornage amiable, ce dont il résultait que la demande de bornage judiciaire était bien recevable.
L’épilogue
Agnès pourra demander à la juridiction de renvoi de fixer la ligne divisoire avec implantation des bornes selon le procès-verbal de bornage établi par le géomètre-expert et de partager les frais de l’opération entre les deux parties.