L’histoire

Émile, exploitant agricole était décédé à l’âge de 86 ans, laissant pour légataires universels ses neveu et nièce, Éric et Anne. À l’occasion de la liquidation de la succession, ces derniers avaient demandé à bénéficier d’une exonération des droits de mutation en application d’un pacte Dutreil, prévu par l’article 787 du code général des impôts.

Le contentieux

Ayant estimé que des valeurs mobilières de placement et des sommes provenant de la succession de l’épouse d’Émile, s’élevant à 205 000 €, avaient été intégrées dans la valeur de l’exploitation léguée, augmentant indûment l’assiette de l’exonération partielle de la valeur des biens, l’administration fiscale avait adressé à Éric et Anne une procédure de rectification. Cela avait pour effet de rehausser les droits de succession dus.

Leur réclamation ayant été rejetée, Anne et Éric avaient assigné l’administration fiscale en annulation de la décision de rejet et en décharge des droits supplémentaires. L’enjeu était important et trouvait sa justification dans l’appréciation du périmètre d’éligibilité au titre du pacte Dutreil. Ce dispositif allège le coût fiscal de la transmission des entreprises dans un cadre familial, suite à un décès ou à une donation. Il permet une diminution de l'assiette taxable, égale à 75 % de la valeur des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l'exploitation de l'entreprise, s'il s'agit d'une entreprise individuelle.

" La somme de 205 000 € avait été intégrée dans la valeur de l'exploitation léguée. "

La question était de savoir si le périmètre d’éligibilité posé par le dispositif fiscal porte sur l’ensemble des biens affectés à l’exploitation ou seulement sur ceux strictement nécessaires à celle-ci. Pour Éric et Anne, ce périmètre devait être apprécié en tenant compte de toutes les sommes inscrites au bilan, au nombre desquelles figuraient les valeurs mobilières et l’excédent de trésorerie. En effet, ces sommes devaient permettre des investissements, notamment l’achat d’un tracteur.

Mais les juges avaient pris fait et cause pour l’interprétation restrictive de l’administration fiscale. Cette dernière avait la faculté de rapporter la preuve que les biens meubles et immeubles inscrits au bilan ne sont pas effectivement et nécessairement affectés à l’exploitation de l’entreprise. Or en l’espèce les sommes litigieuses n’avaient été mentionnées à l’actif du bilan de l’entreprise que postérieurement au décès d’Émile. De plus, l’exploitation disposait, hors les sommes en litige, de liquidités très supérieures à ses charges courantes d’exploitation qui suffisaient à financer les investissements. Aussi ces sommes devaient-elles être déduites de la valeur de l’ensemble de l’exploitation. La Cour de cassation a approuvé cette solution.

L’épilogue

Éric et Anne, légataires universels d’Émile, ne pourront pas bénéficier du régime de faveur sur la transmission à leur profit de la somme de 205 000 € représentant l’excédent de trésorerie de l’exploitation. Une décision bien sévère.