L’histoire
Marc avait donné à bail à Valérie divers parcelles de terre en nature d’herbage que cette dernière avait mises à la disposition d’une EARL. Marc, par acte du 11 avril 2017, avait notifié à Valérie son refus de renouveler le bail aux fins de reprise des parcelles au profit de son fils, Pascal, titulaire d’un BTS agricole, avec effet au 12 mai 2019.
Le contentieux
Valérie qui entendait poursuivre la mise en valeur des parcelles louées n’avait eu d’autre possibilité que de contester le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux. À l’appui de sa contestation, elle avait invoqué l’article L. 411- 59 du code rural. Selon ce texte, le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente et posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou à défaut les moyens de les acquérir.
Et c’est à l’auteur du congé qu’il appartient de rapporter la preuve que ces conditions sont remplies par le bénéficiaire de la reprise. Pour Valérie, Marc n’avait pas justifié de l’existence d’un matériel suffisant susceptible d’être mis à disposition de son fils, et de plus, les bâtiments dont il disposait ne permettaient pas de loger le matériel existant et les récoltes.
Mais le tribunal paritaire avait écarté ces éléments de fait en constatant que Pascal justifiait d’une enveloppe financière suffisante pour acquérir le matériel nécessaire à la mise en valeur des parcelles reprises. Aussi le congé devait-il être validé selon les juges.
"Son fils justifiait d'une enveloppe financière suffisante pour acquérir le matériel nécessaire"
Devant la cour d’appel, Valérie avait invoqué un nouveau motif de contestation. Les juges devaient surseoir à statuer sur la reprise, car l’EARL avait saisi le juge administratif de deux recours à l’encontre des arrêtés préfectoraux refusant de l’autoriser à exploiter les parcelles en litige et autorisant Pascal à les mettre en valeur.
Il est vrai que si la reprise est subordonnée à une autorisation en application des dispositions relatives au contrôle des structures, en cas de recours contre l’autorisation d’exploiter devant le tribunal administratif, le tribunal peut surseoir à statuer dans l’attente de l’obtention d’une décision définitive. Mais depuis l’ordonnance du 13 juillet 2006 sur le statut du fermage, il s’agit d’une simple faculté laissée au pouvoir discrétionnaire d’appréciation du juge.
Aussi, la cour d’appel avait-elle estimé qu’il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer, dès lors que le recours contre l’arrêté d’autorisation d’exploiter n’était pas formé par Valérie, preneuse en place, mais par l’EARL. Et elle avait relevé que Pascal disposait de capitaux mobiliers, placés sur un plan d’épargne bancaire, permettant d’acquérir le matériel nécessaire à la reprise. Aussi le congé devait-il être validé.
Saisie par Valérie, la Cour de cassation a reconnu que la cour d’appel pouvait rejeter la demande de sursis à statuer et elle a écarté le pourvoi, en relevant que les conditions de la reprise avaient été souverainement appréciées par les juges.
L’épilogue
Pascal pourra conforter son installation. Pour autant, qu’en sera-t-il si l’autorisation d’exploiter accordée à Pascal venait à être annulée par le tribunal administratif ? Ce dernier pourra renouveler sa demande auprès de l’autorité administrative, en espérant une nouvelle décision favorable.