L’histoire

Anne avait pris à bail une parcelle d’environ un hectare, en nature de pré en vue d’y faire paître quelques chevaux. Yves, le propriétaire, avait, par acte du 29 décembre 2018 délivré à Anne un congé en vue de reprendre la parcelle pour agrandir son exploitation, avec effet au 30 septembre 2020.

Le contentieux

Anne, qui n’avait aucune envie de quitter la parcelle louée avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé. Elle avait invoqué l’article L 411-47 du code rural. Ce texte dispose, qu’à peine de nullité, le congé doit indiquer, en cas de reprise, l’habitation que devra occuper après l’opération le bénéficiaire du bien repris. Toutefois la nullité ne sera pas prononcée si l’omission ou l’inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur. Anne avait encore ajouté que la nullité s’apprécie à la date de la délivrance du congé. Aussi est-ce à cette date que les juges doivent se placer pour vérifier si l’inexactitude d’une mention obligatoire est ou non de nature à provoquer l’erreur du preneur. Or, en l’espèce, le congé mentionnait une adresse alors occupée par Yves avant la rédaction de l’acte, et que ce dernier avait quittée quelques semaines plus tard car il avait déménagé dans une maison située à une autre adresse, dans la même commune. Aussi, pour Anne, la rédaction du congé contenait une mention équivoque de nature à l’induire en erreur.

Yves avait réagi vivement. Comment Anne pouvait-elle prétendre avoir été trompée sur sa domiciliation ? Son déménagement à une adresse située dans la même commune que celle indiquée dans le congé n’avait eu aucun impact négatif sur les conditions d’exploitation du bien repris. Le congé devait être validé selon lui.

"Le congé mentionnait une adresse que le bailleur avait quittée quelques semaines plus tard"

Le tribunal paritaire et la cour d’appel avaient accueilli favorablement cet argument de défense. Anne qui habitait à proximité des domiciles successifs d’Yves, avait eu connaissance du déménagement de celui-ci au sein de la même commune. Aussi, elle ne justifiait pas de l’existence d’un préjudice tiré de l’indication dans le congé, d’une adresse devenue obsolète quelques semaines plus tard.

Cette solution n’a pas trouvé grâce devant la Cour de cassation, saisie par Anne, qui a censuré la cour d’appel. Le bénéficiaire de la reprise doit justifier qu’il remplit la condition d’habitation du bien repris ou d’un bâtiment proche et le congé doit l’indiquer à peine de nullité. Aussi, en validant le congé tout en retenant que les mentions de l’acte relatives à l’habitation étaient, à la date de sa délivrance, affectées d’une incertitude, ce qui ne permettait pas de vérifier que les conditions de la reprise étaient réunies, la Cour d’appel avait bien violé les articles L. 411-47 et L. 411-59 du code rural.

L’épilogue

Il n’y aura aucune échappatoire devant la cour de renvoi qui, en l’état de la rédaction du congé et de la situation d’Yves, ne pourra qu’annuler l’acte. Anne pourra donc poursuivre son élevage de chevaux sur la parcelle louée. Pourtant, la solution retenue n’est-elle pas quelque peu excessive ? Car il ne pouvait y avoir aucun doute sur l’information d’Anne concernant la condition remplie par Yves relative à son habitation à proximité de la parcelle reprise. Ici, c’est la lettre du statut du fermage qui l’emporte sur son esprit.