L’histoire
Si la loi d’avenir du 13 octobre 2014 a voulu conforter la situation juridique des copreneurs en cas de départ de l’un d’eux du fonds loué, elle a en réalité créé une nouvelle cause de résiliation du bail qui peut se retourner contre les preneurs restés en place.
Maxime avait consenti à Anselme et Emma, ainsi qu’au Gaec constitué entre eux, un bail à long terme sur des parcelles d’herbage situées en bordure du Loir. L’assemblée générale du Gaec avait, le 25 mars 2013, constaté le départ à la retraite d’Emma. L’exploitation des parcelles louées avait été poursuivie par Anselme et par le Gaec, transformé depuis en EARL.
Le contentieux
Estimant qu’Emma avait cessé de participer à l’exploitation et que les autres copreneurs n’avaient pas demandé la poursuite du bail à leur profit, Maxime avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail. Il avait invoqué un argument de droit, tiré du nouveau dispositif inséré à l’article L. 411-35 du code rural par la loi d’avenir.
Sous l’empire des dispositions anciennes, le départ de l’un des copreneurs, qui n’était ni conjoint ni partenaire d’un Pacs, ne permettait pas, en principe, à l’autre d’exiger le renouvellement à son profit, sauf garanties équivalentes à celles résultant du bail initial procurées au bailleur.
La loi d’avenir a mis fin à cette solution en complétant l’article L. 411-35. Selon ce texte, lorsqu’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose d’un délai de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur, par lettre recommandée avec avis de réception, que le bail se poursuive à son seul nom. Le bailleur peut saisir le tribunal paritaire d’une opposition dans les deux mois. Mais le législateur a omis de régler la question de la sanction en cas de défaut d’information du bailleur.
Devant le tribunal, Maxime avait soutenu que faute d’avoir été informé du départ d’Emma, la résiliation du bail s’imposait. Adoptant cette thèse, les juges paritaires et la cour d’appel avaient affirmé que le défaut d’accomplissement de l’obligation d’information du propriétaire constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation de l’article L 411-35. La résiliation du bail était justifiée, sans même qu’il fût nécessaire pour le bailleur de démontrer un préjudice ni une atteinte à la bonne exploitation du fonds. La Cour de cassation a approuvé cette affirmation en relevant que les juges s’étaient prononcés « à bon droit ».
L’épilogue
La solution est sévère pour Anselme et l’EARL, dont le bail est résilié alors qu’ils entendaient poursuivre la mise en valeur de l’exploitation sans le concours d’Emma. Mais elle ne manquera pas d’interpeller les praticiens du statut du fermage et les organisations professionnelles, qui devront veiller à ce que les exploitants copreneurs, appelés à cesser leur activité, informent le bailleur en respectant le formalisme prévu par le nouveau dispositif de l’article L 411-35.