L’histoire
Pierre avait donné à bail à Serge des parcelles agricoles, destinées à la polyculture, situées au cœur du Charolais. Comme il s’entendait très bien avec son beau-frère, Serge avait décidé d’associer ce dernier aux travaux de mise en valeur des terres, dans le cadre d’une collaboration commune. Il avait renoncé à constituer une société, dont la mise en œuvre lui paraissait trop lourde.
Le contentieux
Pierre, qui estimait que cette collaboration était source de conflits, avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux. Il demandait la résiliation du bail et l’expulsion pour défaut d’exploitation personnelle et sous-location ou co-exploitation avec le beau-frère de Serge.
La question posée aux juges était de savoir si la co-exploitation était autorisée au regard des règles du statut du fermage. Pour Pierre, une réponse négative s’imposait. À l’appui de sa demande de résiliation, il avait invoqué l’article L. 411-37 du code rural qui autorise la mise à disposition des biens loués seulement au profit d’une société dotée de la personnalité morale ou, à défaut, d’une société en participation régie par des statuts ayant date certaine.
Et il est vrai que ce texte ne prévoit pas qu’une telle mise à disposition soit possible au profit d’une société créée de fait qui existerait, en l’espèce, entre Serge et son beau-frère. Aussi, la simple participation d’un tiers aux travaux de l’exploitation des biens loués dans le cadre d’une collaboration commune doit être assimilée à une cession partielle du bail, prohibée par l’article L. 411-35.
Pourtant, le statut du fermage fait-il obstacle à toute forme de collaboration ? Serge n’en était pas convaincu. La collaboration de son beau-frère aux travaux constituait une société créée de fait, soumise au régime juridique applicable aux sociétés en participation en vertu de l’article 1873 du code civil. Et, les dispositions de l’article L. 411-37, applicables aux sociétés en participation, avaient-elles vocation à s’appliquer en la cause, de sorte que Serge devait être regardé comme ayant régulièrement mis les terres louées à la disposition d’une telle société sans personnalité morale, c’est-à-dire n’ayant pas la capacité d’être titulaire de droits et d’obligations.
Toutefois, ni le tribunal ni, à sa suite, la cour d’appel n’avaient voulu suivre Serge. Lui et son beau-frère avaient bien décidé de collaborer à une entreprise commune sans pour autant créer une personnalité morale, ni établir des statuts. Serge ne pouvait pas se prévaloir de la faculté de procéder à une telle mise à disposition en vue d’une co-exploitation informelle avec un tiers.
Une telle opération constituait une cession de bail interdite. La résiliation du bail était donc bien encourue et la Cour de cassation n’a pu que confirmer.
L’épilogue
La solution est bien sévère pour Serge qui a perdu son outil de travail. Comment pouvait-il imaginer que le statut du fermage ne faisait pas bon ménage avec la co-exploitation ? Il aurait dû prendre conseil auprès d’un avocat spécialisé en droit rural qui lui aurait indiqué, qu’en pareille hypothèse, il était nécessaire de constituer une société à objet principalement agricole dotée de la personnalité morale.