L’histoire

Dans une procédure de redressement judiciaire, les créanciers qui veulent faire valoir leurs droits doivent faire preuve de beaucoup de rigueur. En Anjou, Daniel exploitait en Gaec un élevage de poulets de chair. Il avait conclu avec sa coopérative un contrat d’intégration en vue d’approvisionner l’élevage en produits d’alimentation et d’écouler les animaux. Très longtemps, l’activité avait dégagé un revenu raisonnable. Mais avec la chute des cours, elle avait périclité, au point que le Gaec n’avait pu éviter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Le relevé des créances, qui avait été établi par le mandataire judiciaire, ne comportait pas celle de la coopérative, car elle lui était parvenue tardivement.

 

Le contentieux

Privée de la faculté d’être admise à participer à la répartition de l’actif à hauteur de sa créance, la coopérative avait alors déposé devant le tribunal une requête en relevé de forclusion afin que ses droits soient reconnus. Son conseil, spécialisé en droit des procédures collectives, avait invoqué l’article L. 622-24 du code de commerce. Ce texte dispose que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé sa déclaration de créance.

Or, en l’espèce, Daniel et le Gaec avaient remis au mandataire judiciaire une liste des créanciers, parmi lesquels figurait le nom de la coopérative. Le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire avait cité également la créance de la coopérative pour un montant de 83 000 €. Cette dernière ne devait-elle pas être regardée comme ayant été déclarée par le Gaec pour le compte de la coopérative ? Pour le mandataire du Gaec, ces éléments étaient inopérants. La liste des créanciers qui lui avait été remise par le groupement n’indiquait pas le montant de la créance. Quant à la coopérative, elle lui avait adressé sa déclaration de créance plus de deux mois après qu’il l’eut invitée à intervenir. Et celle-ci n’avait pas rapporté la preuve que sa défaillance n’était pas due à son fait ou à une omission du Gaec lors de l’établissement de la liste des créanciers.

Les juges ont été convaincus par cet argumentaire. Les créances portées à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai de rigueur font présumer de la déclaration de créance par son titulaire, mais seulement dans la limite du contenu de l’information fournie à ce mandataire. Or en l’espèce, la liste remise au mandataire par le Gaec ne mentionnait que l’identité du créancier sans indiquer aucun montant. Aussi, aucune déclaration de créance faite par le Gaec pour le compte de la coopérative ne pouvait être retenue. Quant à celle faite par cette dernière, elle était bien tardive selon la chambre commerciale de la cour en écartant le pourvoi formé par la coopérative.

 

L’épilogue

La décision est rigoureuse pour la coopérative qui ne pourra pas être admise dans les répartitions et les dividendes dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire du Gaec. La coopérative ne peut, sans doute, s’en prendre qu’à elle-même. Mais n’a-t-elle pas commis une grave négligence en ne répondant pas à temps au courrier du mandataire qui l’avait invitée à produire au plus vite sa déclaration de créance ?