L’HISTOIRE. Propriétaire d’un domaine agricole situé non loin des terrils du Pas-de-Calais, Paul, parvenu à l’âge de la retraite, l’avait donné à bail à Justin. Ce dernier l’avait mis à la disposition du Gaec constitué avec son fils. Dans le même temps, soucieux d’améliorer sa modeste pension, Paul avait cédé au Gaec le cheptel correspondant à l’avoiement de ferme et trois factures avaient été émises au nom du groupement. Justin décédé, Marie, son épouse, ne remplissait pas les conditions exigées pour continuer le bail. Paul a donc décidé de le résilier.
LE CONTENTIEUX. Le centre de gestion consulté par Marie avait conseillé de saisir le tribunal paritaire en répétition des sommes trop versées par le Gaec, lors de l’entrée dans les lieux, sur le fondement de l’article L 411-74 du code rural. Ce texte offre au locataire entrant qui estime avoir versé, lors de l’entrée dans les lieux, des sommes ne correspondant pas à la valeur des éléments mobiliers ou des améliorations reçus, une action en répétition contre le bailleur. Le Gaec disposait des factures émises par Paul et démontrait que les éléments cédés avaient été largement surévalués. Aussi, Marie et le Gaec avaient-ils agi contre Paul en restitution des sommes excessives versées lors de la conclusion du bail.
Devant le tribunal, Paul avait invoqué la jurisprudence de la Cour de cassation qui considérait que seul le locataire entrant était recevable à engager une action fondée sur l’article L 411-74 du code rural pour réclamer au bailleur le paiement du « chapeau » ou au preneur sortant celui du « pas-de-porte » prohibé. Pour Paul, il n’y avait pas de doute : l’action engagée par Marie et le Gaec était irrecevable, puisque ce dernier, qui avait réglé l’avoiement de ferme, n’avait pas la qualité de preneur entrant. Le tribunal a déclaré la demande du Gaec irrecevable. Mais ses espoirs se sont effacés devant la cour d’appel qui a infirmé le jugement en retenant que « l’article L 411-74 ne réserve pas l’action en répétition de l’indu qu’il prévoit au seul preneur, mais également à celui qui a réglé la somme indue au bailleur pour le compte du preneur et à l’occasion d’un changement d’exploitation ».
Paul, condamné à restituer une large partie des sommes qu’il avait reçues du Gaec lors de la conclusion du bail, s’est pourvu en cassation, mais son pourvoi a été rejeté. En effet, la cour d’appel avait statué « à bon droit » et avait « souverainement retenu qu’en raison de l’impossibilité de répercuter sur l’exploitant entrant le montant des améliorations, les sommes réclamées étaient dépourvues de cause et devaient être restituées ».
L’ÉPILOGUE. Paul a dû restituer le « chapeau » avec les intérêts au taux légal de l’époque à compter de l’année 2003. Mais en ouvrant ainsi largement le recours à l’article L. 411-74, cet arrêt ne va-t-il pas pérenniser la pratique des « chapeaux » et des « pas-de-porte », dont les juristes et les professionnels aspirent à leur suppression afin de moraliser le marché des terres agricoles ?