L’histoire. Les sociétés en agriculture, qui se développent de plus en plus, constituent un cadre juridique favorable au développement des investissements. Elles génèrent des économies de charges sociales, tout en facilitant la transmission de l’outil de travail. Mais encore faut-il être prudent dans leur mise en œuvre.

Jean, dans le cadre du bail qui lui avait été consenti il y a plus de vingt ans, mettait en valeur des prés d’embouche de belle qualité. Un beau jour, alors qu’il ne s’y attendait pas, il a reçu de son propriétaire un congé aux fins de reprise pour exploitation personnelle au profit de sa fille. Marie. Il l’a contesté devant le tribunal paritaire.

 

Le contentieux. Devant la juridiction, à l’appui de sa contestation du congé, Jean avait soutenu que la bénéficiaire de la reprise, désignée dans l’acte, avait l’intention d’exploiter les parcelles reprises non pas à titre individuel, mais dans le cadre d’une EARL constituée entre son conjoint et elle. Or, le congé ne comportait aucune précision sur cette situation, ce qui était de nature à l’induire en erreur. Son avocat, bien au fait de l’article L. 411-47 du code rural, lui avait dit que le congé devait, à peine de nullité, mentionner tous les éléments permettant de connaître l’identité et la situation du bénéficiaire de la reprise.

Toutefois, la nullité pouvait ne pas être prononcée si l’omission ou l’inexactitude n’étaient pas de nature à induire le preneur en erreur. Aussi, Jean avait-il soutenu que l’absence de toute précision sur la mise en valeur des parcelles reprises par l’EARL était bien de nature à le tromper, puisque le congé précisait que Marie devait les exploiter à titre individuel.

Le bailleur s’était défendu en faisant valoir – ce qui n’était pas inexact – que l’article L. 411-47 du code rural ne lui faisait aucune obligation d’indiquer dans le congé si le bénéficiaire de la reprise entendait exploiter les biens repris à titre individuel ou au sein d’une société. Mais cet argument n’a pas convaincu ni les juges du fait, ni la Cour suprême. Pour eux, « si la reprise était exercée pour la fille des bailleurs à titre personnel, toutefois, les biens objet de la reprise étaient destinés à être exploités par mise à disposition consentie par le repreneur à une société. Aussi, le congé devait, à peine de nullité, mentionner cette circonstance. »

Mais l’omission ainsi constatée avait-elle pu induire Jean en erreur, alors qu’il était au courant de l’existence de la société constituée entre Marie et son époux ? Pour les juges saisis de la question, pas d’hésitation : « L’omission de la précision selon laquelle les biens repris étaient destinés à être exploités par mise à disposition au profit d’une personne morale avait été de nature à induire en erreur le preneur. » Aussi, le congé devait être annulé.

 

L’épilogue. La solution était à prévoir : en effet, déjà par un précédent arrêt (12 mars 2014), la Cour de cassation, sous couvert de renforcer le principe de loyauté et d’exhaustivité de l’information due au destinataire du congé, avait ajouté au formalisme de l’article L. 411-47 du code rural, une condition qu’il ne postule pas. La rédaction d’un congé est bien une affaire de spécialiste.