L’histoire

Sylvain qui exploitait un domaine agricole consacré à l’élevage, situé sur le plateau du Larzac (Aveyron), avait souhaité s’agrandir. Il s’était porté candidat à la rétrocession, à son profit, d’une grande parcelle détenue par la Safer. Mais il n’était pas le seul intéressé. La Safer avait reçu plusieurs demandes d’attribution. Après examen des candidatures, elle avait signifié à Sylvain qu’elle rétrocédait la parcelle à Pauline en vue de « consolider son exploitation. »

Le contentieux

Sylvain, qui n’avait pas accepté d’être ainsi évincé, avait assigné la Safer et Pauline devant le tribunal judiciaire en annulation de la décision de rétrocession. Le droit n’était-il pas en sa faveur ? Selon l’article R. 142-4 du code rural, la Safer, qui attribue un bien acquis à l’amiable, informe les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix. Et selon une jurisprudence bien établie, elle doit motiver sa décision de rétrocession de manière à permettre au candidat évincé de vérifier le respect des objectifs qu’elle poursuit.

Parmi ces objectifs figure la consolidation des exploitations agricoles afin qu’elles atteignent une dimension économique viable au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles. Or Sylvain avait démontré que la décision de la Safer comportait comme seul motif : « Consolidation d’une exploitation agricole par apport d’une parcelle contiguë. » Une telle motivation était insuffisante, selon lui, et justifiait l’annulation de la décision de rétrocession.

Mais la Safer ne l’entendait pas ainsi. Sa décision était suffisamment motivée dans la mesure où elle précisait que l’opération avait pour objet la consolidation de l’exploitation de Pauline par l’apport d’une parcelle contiguë de 2 ha 64 a 45 ca. Il s’agissait d’une motivation fondée sur une donnée très concrète. Les juges avaient suivi l’argumentation de la Safer.

Sylvain, à qui incombait la charge de la preuve de l’insuffisance de motivation, s’était alors borné à soutenir que l’ajout de la parcelle sur les 180 ha exploités n’avait pas pu augmenter significativement la performance économique de l’exploitation.

Devant la Cour de cassation, Sylvain s’est prévalu de la jurisprudence qui exige que toute décision de rétrocession soit motivée de façon claire et précise. Ainsi, la haute juridiction l’a suivi en censurant les juges d’appel. Selon la Cour, la motivation de la décision de rétrocession, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales. Aussi, la décision de rétrocession qui se bornait à énoncer « consolidation d’une exploitation agricole par apport d’une parcelle contiguë » était-elle insuffisamment motivée.

L’épilogue

Sylvain pourra saisir la cour d’appel de renvoi pour demander l’annulation de la décision de la Safer. Aucune substitution au rétrocessionnaire n’étant possible, s’il désire acquérir la parcelle, il devra à nouveau faire acte de candidature auprès de la Safer. Alors, peut-être aura-t-il plus de chance d’être retenu ?