L’histoire
Il est fréquent que le descendant, auquel ses parents ont consenti un bail, sollicite à leurs décès le bénéfice de l’attribution préférentielle des terres ainsi mise à sa disposition. Mais doit-il respecter le contrôle des structures ? Et comment évaluer les parcelles : libres ou occupées ? Telles ont été les questions posées dans notre histoire aux juges.
Lors de leur cessation d’activité, Yves et Marie avaient consenti un bail à leur fils Cyrille et à son épouse Pauline sur des parcelles que ces derniers avaient mises à la disposition d’une EARL. Ils étaient décédés à quelques mois d’intervalle en laissant pour leur succéder leurs sept enfants.
Le contentieux
Cyrille avait assigné ses frères et sœurs en règlement de la succession de leurs parents et avait sollicité l’attribution préférentielle des terrains qu’il exploitait et leur évaluation à la valeur occupée. Sa demande était fondée sur l’article 831-1 du code civil qui permet d’accorder l’attribution préférentielle à tout copartageant qui s’engage à donner à bail le bien considéré dans les six mois à un descendant. Cyrille avait envisagé de transmettre l’exploitation à son fils.
Il s’était alors engagé, devant le juge ainsi que ses frères et sœurs, à consentir un bail sur les terres comprises dans la succession au profit de celui-ci, qui remplissait les conditions d’aptitude et de capacité professionnelles. Ses frères et sœurs, qui souhaitaient un partage en nature et par lot, s’étaient opposés à la demande en invoquant l’âge de Cyrille et l’absence d’autorisation d’exploiter au nom de son fils. Le tribunal et la cour d’appel avaient accueilli leur opposition et rejeté la demande de Cyrille. Son fils n’avait pas obtenu, selon eux, l’autorisation d’exploiter ces parcelles.
Mais devant la Cour de cassation, l’avocat de Cyrille avait sorti une jurisprudence selon laquelle l’exploitant-preneur n’a pas à justifier d’une autorisation d’exploiter lorsque la société, dont il est associé, qui utilise les terres est elle-même titulaire d’une telle autorisation. La Cour de cassation a accueilli le pourvoi de Cyrille et censuré la décision des juges du fond.
Il restait à régler la question de la valeur des parcelles. Pour la cour d’appel, elles devaient être évaluées en valeur libre car aucun des enfants de Cyrille et Pauline n’avaient obtenu l’autorisation de continuer l’exploitation.
Mais c’était méconnaître les dispositions de l’article L. 411-34 du code rural, qui permettent, en cas de décès du preneur, la dévolution de plein droit du bail aux héritiers en l’absence de résiliation dans les six mois du décès. La censure s’imposait à nouveau.
L’épilogue
Les enfants de Pauline et Cyrille ayant vocation à poursuivre le bail consenti par les grands-parents, les parcelles devaient être estimées en valeur occupée, même si elles étaient attribuées à Cyrille. C’est ce que la cour de renvoi devra décider en renvoyant les héritiers devant le notaire pour régler la liquidation de la succession, ainsi que les modalités de l’attribution préférentielle.