L’histoire
Si, depuis des années, l’arrivée de l’eau potable dans les maisons d’habitation est regardée comme un élément de confort, il est rare que l’on ait à remettre en cause l’emplacement de la canalisation d’alimentation. Et pourtant… Arrivé à la fin de sa carrière agricole, Vincent avait fait l’acquisition, en Touraine, d’une maison d’habitation entourée de trois belles parcelles. Il envisageait d’y aménager un jardin d’agrément. Toutefois, il avait constaté au cours des travaux que la canalisation d’alimentation en eau potable traversait l’une des parcelles en son milieu. Cette installation compromettant l’aménagement du jardin, Vincent avait alors assigné le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau potable en retrait de la canalisation.
Le contentieux
En installant cette alimentation sur une de ces parcelles sans autorisation, le syndicat n’avait-il pas commis une voie de fait ? Cette dernière se définit comme une action de l’Administration réalisée sans droit, et qui porte illégalement une atteinte grave à une liberté fondamentale ou à un droit de propriété d’un administré.
En l’espèce, il appartenait au juge judiciaire de la faire cesser, en ordonnant le retrait de la canalisation et l’implantation d’une nouvelle conduite d’eau plus loin, en bordure du chemin d’accès. Or, le syndicat n’avait pu se prévaloir d’aucune servitude l’autorisant à établir sur le terrain de Vincent la canalisation incriminée. La servitude légale instaurée à l’article L. 152-1 du code rural n’était pas applicable, car elle était postérieure à l’installation. De plus, le titre de propriété de Vincent ne faisait aucune allusion à une quelconque servitude d’aqueduc.
Mais le syndicat ne manquait pas d’argument pour se défendre. À la suite de recherches, il avait dégagé l’emplacement d’une bouche à clef permettant le raccordement de la canalisation au réseau. Elle aboutissait, après avoir traversé le fonds de Vincent, à un regard, sous lequel se trouvait le compteur. Il s’agissait bien de signes matériels, anciens, constituant une marque visible de la canalisation. Ils autorisaient le syndicat à se prévaloir d’une servitude d’aqueduc, apparente et continue au sens du code civil. Dès lors, selon lui, la demande de Vincent était exorbitante et devait être écartée.
C’est ce qu’avaient décidé le tribunal et la cour d’appel. Compte tenu de l’installation réalisée en 1952, le syndicat pouvait se prévaloir, selon les juges, de l’acquisition par prescription trentenaire de la servitude relative à la conduite, excluant toute voie de fait. Mais, saisie par Vincent, la Cour de cassation a « botté en touche » en censurant la cour d’appel. Pour elle, la demande en retrait de la canalisation relevait, simplement, de la seule compétence de la juridiction administrative.
L’épilogue
Vincent s’était trompé de juridiction. Pourra-t-il obtenir gain de cause devant le juge administratif ? Rien n’est moins sûr. En l’état des constatations opérées sur le terrain et de l’institution par l’article L. 152-1 du code rural d’une servitude pour l’établissement de canalisations publiques d’eau, les travaux réalisés avant l’entrée en vigueur du texte sont confortés. Ce qui satisferait, ici, le syndicat des eaux.