L’HISTOIRE. Yves avait acquis un joli mas, entouré de deux parcelles, qui bénéficiait d’une vue remarquable sur le mont Ventoux. À l’arrière de la bâtisse, il avait installé, dans une cour rectangulaire, une pompe à chaleur destinée à améliorer le chauffage de la maison. L’accès à la cour était difficile en l’absence de toute issue sur la voie publique. Aussi, Yves avait-il assigné Christine, propriétaire de la parcelle voisine et mitoyenne, devant le tribunal de grande instance. Il demandait le désenclavement de sa cour et la reconnaissance d’une servitude de passage sur la parcelle voisine.
LE CONTENTIEUX. Devant le tribunal, Yves avait invoqué l’article 682 du code civil disposant que « le propriétaire dont le fonds est enclavé et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu’une issue insuffisante […] est fondé à réclamer sur le fonds de son voisin un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage ».
Or, il n’était pas contestable que la cour était enclavée. La construction du mas par le père d’Yves, l’ancien propriétaire, avait supprimé l’accès de la parcelle à la voie publique.
Selon la jurisprudence, le propriétaire, qui a lui-même supprimé l’issue donnant accès à la voie publique, ne peut se prévaloir d’un droit de passage pour cause d’enclave. Christine n’avait pas d’hésitation. La parcelle sur laquelle était située la cour disposait antérieurement d’un accès direct sur la rue qu’elle borde. Si la cour n’avait plus aucun accès aujourd’hui sur la voie publique, cette situation ne découlait pas de l’état naturel des lieux, mais de la décision du père d’Yves d’implanter le mas en retrait de la limite séparative des parcelles de chaque propriétaire.
Le tribunal avait donné raison à Yves. Les travaux nécessaires pour accéder à la cour, depuis le mas, seraient hors de proportion avec l’usage et la valeur de celle-ci, ce qui permettait de justifier son enclavement. Mais la cour d’appel avait infirmé le jugement. La suppression de tout accès de la cour à la voie publique résultait de l’aménagement du fonds par un des parents d’Yves, dont Christine n’avait pas à supporter les conséquences dommageables. Peu importait qu’Yves eût maintenu la configuration de la cour telle quelle. La Cour de cassation n’a pas eu de peine à rejeter le pourvoi de ce dernier. La suppression de l’accès à la voie publique résultait d’un aménagement du fonds par l’ancien propriétaire. Cet enclavement volontaire interdit à Yves de se prévaloir de l’état d’enclave de la cour, peu important le coût du percement d’une porte à l’arrière du mas.
L’ÉPILOGUE. Les juges disposent d’un large pouvoir pour apprécier, d’après les lieux et les circonstances de la cause, si un fonds est ou non enclavé et si l’enclave est ou non le résultat d’une opération volontaire.
Alors, pour accéder à sa cour et à la pompe à chaleur, et en permettre l’entretien, Yves devra se résoudre à percer une porte à l’arrière de sa maison !