L’HISTOIRE.Jean possédait un joli manoir entouré d’arbres centenaires, à quelques kilomètres d’un château Renaissance renommé, et de sa forêt appréciée des promeneurs. Cette demeure était située dans une zone d’espaces boisés classés. Aussi, en application des dispositions de l’article L. 130-1 du code de l’urbanisme, les coupes et abattages d’arbres étaient soumis à une déclaration préalable. Jeanne, la voisine, se plaignait depuis longtemps des débordements des branches des arbres de Jean, qui, au meilleur moment de la journée, faisaient de l’ombre à son potager. Mais Jean ne voulait rien savoir et n’entendait nullement procéder à un élagage.

 

LE CONTENTIEUX.Conseillée par des spécialistes, Jeanne avait assigné son voisin en élagage des arbres débordant sur son terrain, sur le fondement de l’article 673 du code civil : « Celui sur la propriété duquel avancent les branches, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Le droit de faire couper les branches des arbres est imprescriptible. » Jeanne avait fait établir un constat par un huissier de justice, accompagné de photographies, duquel il résultait que les lauriers et les noisetiers de Jean débordaient de plus de 4 mètres sur son fonds et créaient une ombre préjudiciable à ses cultures de légumes. L’élagage s’imposait. Mais pour sa défense, Jean avait fait valoir que ses arbres appartenaient à un espace boisé classé, de sorte qu’en vertu des dispositions de l’article L. 130- 1 du code de l’urbanisme, les opérations d’élagage sollicitées par Jeanne étaient bien soumises à une procédure administrative de déclaration préalable et d’autorisation. Alors, faute de mise en œuvre de cette procédure, Jeanne allait-elle devoir supporter les débordements intempestifs des arbres de Jean ?

Les juges ne l’ont pas voulu : pour eux, la procédure d’autorisation administrative applicable aux espaces boisés classés ne concernait que les coupes et abattages d’arbres, et non des opérations d’élagage. Il s’agissait bien d’un règlement particulier, qui était seulement de nature à faire obstacle à l’arrachage ou à la réduction des plantations, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Aussi, les juges ont-ils accueilli la demande d’élagage de Jeanne, sur le fondement de l’article 673 du code civil, en relevant qu’elle n’emportait nullement obligation de détruire les arbres de Jean, dont les branches avançaient sur son fonds et qu’elle n’était pas nuisible à leur conservation. La Cour de cassation n’a pu qu’écarter le pourvoi de Jean, en rappelant que le droit de faire couper les branches des arbres était imprescriptible.

 

L’ÉPILOGUE. Jean s’est trouvé dans l’obligation de procéder à l’élagage de ses arbres, dans le délai d’un mois à compter de la décision judiciaire. Mais on peut s’interroger sur son obstination : une lecture plus précise des dispositions du code de l’urbanisme n’aurait-elle pas pu lui permettre d’éviter un contentieux jusque devant la Cour suprême, qui s’est avéré inutile ?