L’histoire. Joseph avait consenti un bail à André et son épouse, qui s’étaient engagés en qualité de copreneurs conjoints et solidaires. Le bail s’est renouvelé à quatre reprises. C’est alors que le malheur survint dans la famille : l’épouse du preneur est décédée, laissant pour lui succéder son époux et leurs enfants. Quelque temps après, le propriétaire bailleur est lui-même décédé sans enfant, laissant pour légataire universel l’établissement hospitalier communal qui l’avait soigné à la fin de sa vie. Ce dernier a donné congé au preneur en raison de son âge, sur le fondement de l’article L411-64 du code rural. André l’a contesté devant le tribunal paritaire, sollicitant à titre subsidiaire le paiement d’une indemnité de sortie.
Le contentieux. Que pouvait soutenir le preneur à l’appui de sa contestation ? Il ne pouvait certainement pas discuter de son âge, objectivement fixé par son état civil. Tout au plus aurait-il pu demander au bailleur le report de plein droit de la date d’effet du congé, à la fin de l’année culturale où il aura atteint l’âge lui permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein (article L411-64, alinéa 4 du code rural). Mais son avocat, spécialisé en la matière, s’était souvenu que la Cour de cassation avait pris position sur la question de la délivrance d’un congé en cas de décès du preneur. Aussi avait-il fait valoir que le congé aurait dû être signifié, dans les six mois de la connaissance du décès, à tous les ayants droit sans exception, peu important que ces derniers n’eussent pas tous participé à la mise en valeur des biens loués. Pourtant, les juges paritaires ont écarté l’argument et validé le congé en retenant qu’aucun des enfants du conjoint survivant ne remplissait, au jour du décès, les conditions pour bénéficier de la poursuite du bail et qu’ainsi, le bail lui était donc dévolu. Les ayants droit du preneur décédé ont repris l’argument devant la troisième chambre civile, qui n’a pas eu de peine à censurer la cour d’appel, affirmant qu’en l’absence de résiliation par le bailleur dans les six mois du décès de l’un des copreneurs, le droit au bail passe à son conjoint et à ses descendants. Ainsi, le congé qui avait été délivré à André, copreneur en place, devait être régulièrement signifié aux autres ayants droit.
L’épilogue. Cet arrêt constitue une alerte pour les propriétaires : passé le délai de six mois à compter de la date à laquelle le décès du preneur a été porté à sa connaissance, le bailleur ne peut plus solliciter la résiliation du bail. Il peut seulement s’opposer à son renouvellement en signifiant un congé, non seulement au conjoint survivant s’il est cotitulaire du bail, mais également à tous ses descendants. Ce qui implique qu’il ait connaissance de leur identité, en s’enquérant de l’information auprès du notaire chargé de la succession, ce qui ne sera pas toujours aisé dans nos campagnes.