L’histoire. Il fut un temps dans le monde rural - et même urbain - où l’eau potable provenait de puits, parfois communs à plusieurs usagers. Les eaux usées s’évacuaient dans la suie… Il fallait bien s’en débarrasser ! C’était le temps des ménagères et de leurs seaux. Les campagnes et les villes se sont largement modifiées depuis : le législateur a légiféré. On avait l’exemple de la servitude légale de passage en cas d’enclave (article 682 du code civil). Il y a eu aussi des lotissements qui ont organisé la distribution des eaux, en sorte que chacun avait sa maison particulière avec eau courante et évacuation des eaux usées. Le gouvernement a d’ailleurs créé une législation adaptée pour la fourniture de l’eau potable et l’évacuation des eaux usées vers l’égout public, sorte de droit de passage chez le voisin.

En l’occurrence, Céline n’était pas dans un lotissement. Elle avait acheté une petite maison individuelle dans la campagne. Venant de la ville, elle ne pouvait vivre dans les anciennes conditions, il lui fallait l’eau courante et, également, l’égout. Un terrain, propriété d’un voisin, bordait le réseau public. C’est au vu de cette situation de fait que l’avocat choisi par Céline lui conseilla d’entamer une procédure pour obtenir le droit de faire passer ses canalisations d’eau potable et d’eaux usées sur ledit terrain, à titre de servitude légale imposée par les articles L. 152-14 et L. 152-15 du code rural.

 

Le contentieux. Pour l’eau potable, il s’agissait d’une conduite d’eau ayant un diamètre assez modéré et, pour les eaux usées, d’une conduite plus importante, destinée à l’évacuation des eaux de toilette et autres besoins. Il s’agissait, en somme, d’un projet de servitude semblable, en son principe, à l’enclave. Céline aurait à régler une indemnité pour compenser le préjudice causé par la mise en terre des deux canalisations sur le fonds du voisin, cette indemnité de dédommagement devant être réglée avant l’exécution des travaux. À noter que la loi dispense d’une telle servitude les habitations, les cours et les jardins. Sans s’en soucier, la cour d’appel a jugé que les eaux usées provenant de l’habitation alimentée en eau potable pouvaient être acheminées en utilisant le terrain voisin, en application de l’article L. 152-15 du code rural. La Cour de cassation, saisie par le voisin, en opposition avec l’arrêt d’appel, se prononcera de la manière suivante : en statuant ainsi, alors que la servitude d’écoulement suppose la reconnaissance préalable de la servitude d’aqueduc de l’article L. 152-14 du code rural, et que sont exceptés de la servitude d’écoulement les habitations et les cours et jardins y attenant, la cour d’appel n’a pas recherché, comme le lui demandait le propriétaire du fonds concerné, si ce fonds voisin n’était pas exempt de la servitude d’écoulement. L’arrêt de la cour d’appel a ainsi été cassé.

 

L’épilogue. Il s’en déduit que la cour de renvoi devra satisfaire à l’injonction de la Cour de cassation. Une remarque annexe : si le code civil n’autorise pas l’acquisition par prescription trentenaire de la servitude d’enclave, pourrait-on envisager l’invoquer pour la servitude légale d’écoulement ?