L’histoire. Nous allons nous intéresser à une cession consentie par la Safer alors qu’elle avait acquis le bien à l’amiable, sans droit de préemption. Selon la Cour de cassation, la décision de rétrocession des parcelles acquises à l’amiable peut faire l’objet d’un recours par un quelconque amateur. Si ces opérations sont souvent motivées par des problèmes agricoles, elles peuvent aussi faire l’objet d’une vente dans un but étranger à l’agriculture. Dans la présente affaire, la Safer avait fait appel de candidatures. Un projet de vente a été formulé au profit de Constant, qui se considérait déjà comme propriétaire. Or voilà que la Safer a vendu à la commune d’Obernai le bien litigieux. Tel a jailli le procès intenté pour obtenir l’annulation de la vente.

 

Contentieux. De par la loi, la Safer a le droit d’acheter amiablement. Par exemple, un propriétaire exploitant peut lui vendre sans formalités spéciales un domaine ou une parcelle, sans échapper cependant au contrôle du Commissaire du gouvernement. À en croire l’art. L. 143-1 du code rural, l’acquisition amiable est un contrat libre, et comme pour tous les autres vendeurs, l’acquisition se fait au prix convenu. Il convient cependant de s’arrêter sur l’art. R. 142-1 du code rural qui précise les conditions à respecter dans ce cas. Ce texte oblige la Safer à faire un appel d’offres, en sorte que tout candidat puisse présenter sa candidature dans les conditions légales, dans le cadre d’un cahier des charges établi pour cet appel d’offres. Constant avait fait sa proposition d’achat et elle avait été acceptée dans les conditions normales. Mais la candidature acceptée ne se transforme pas forcément en vente ! II est bien précisé dans l’art. R. 142-1 du code rural l’obligation d’un appel d’offres où seuls peuvent intervenir des candidats à l’acquisition répondant aux conditions précisées par le texte. Toutes les situations envisagées retiennent l’obligation pour l’acquéreur d’exploiter le domaine ou la parcelle soit directement, soit par location, soit sous forme de société. Cette énumération est essentielle, car à défaut du respect de ces obligations légales, le bénéficiaire de l’appel d’offres pourrait perdre son droit. Se pose alors le problème des terrains constructibles. C’est dans ce contexte règlementaire que s’est déroulé le procès. La candidature de Constant avait été retenue. Lui et la Safer s’étaient entendus sur le prix, sous l’égide du Commissaire du gouvernement, mais avant de passer l’acte notarié, Constant était revenu sur le prix proposé. La Safer avait donc rejeté sa candidature. Il avait alors engagé un procès contre cette décision de rétrocéder le bien à la commune d’Obernai. La cour d’appel a jugé que la candidature de Constant devait être retenue et l’opération de la commune annulée. Mais sur pourvoi, la cassation est intervenue au motif que Constant ne s’était pas porté candidat au prix auquel la Safer a rétrocédé la parcelle. La vente devait donc être rejugée. Que dira la cour de renvoi ?

 

Épilogue. Il reste à savoir si une collectivité publique ayant fait une proposition d’achat d’un terrain acquis à l’amiable par la Safer peut échapper à l’art. R. 142-1 du code rural qui fixe les conditions que doivent remplir les personnes publiques. En l’espèce, pour que la commune d’Obernai puisse être acceptée, il faudrait soit qu’elle élève des vaches, soit qu’elle plante des vignes. A moins qu’elle ne donne le terrain à bail.