L’histoire
Par acte authentique du 2 octobre 1992, Yves avait consenti à Louis un bail à long terme sur des terres et des bâtiments, moyennant un fermage payable le 10 mai et le 11 novembre de chaque année. Louis, ayant rencontré des difficultés financières, ne s’était pas acquitté des fermages pour l’année 2018.
Aussi, par lettres recommandées des 15 mai et 17 novembre 2018, Yves avait mis Louis en demeure de régler les échéances de mai et de novembre 2018, soit un total de 20 528 euros.
Le contentieux
En l’absence de paiement de cette somme, Yves avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail, avec expulsion du preneur et paiement des fermages.
Au centre du litige figurait une délicate question de droit relative à la validité des mises en demeure adressées à Louis. Yves avait fondé sa demande sur l’article L. 411-31 1° du code rural, dans sa rédaction en vigueur, qui autorise le bailleur à demander la résiliation du bail s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure. Celle-ci doit, à peine de nullité, rappeler les termes de cette disposition. Pour Yves, il n’y avait pas de difficulté de nature à écarter la demande. Les mises en demeure visaient bien les deux échéances de fermage de mai et novembre 2018 et Louis n’avait procédé à aucun règlement. La résiliation du bail était bien encourue.
Mais Yves n’avait pas suffisamment prêté attention à la rédaction des mises en demeure. En effet, les mises en demeure adressées par Yves visaient les articles L. 411-31 et L. 411-53 du code rural dans leur rédaction antérieure à celle prescrite par l’ordonnance du 13 juillet 2006. Les mises en demeure qui visaient les dispositions anciennes du code rural n’étaient-elles pas irrégulières ?
Les juges paritaires en avaient été convaincus. L’ordonnance du 13 juillet 2006 avait eu pour objet de remédier au dispositif complexe et illogique qui résultait de ce que le droit de poursuivre la résiliation du bail ressortait de la combinaison de deux textes, l’article L. 411-53 qui énonçait les différents cas de non-renouvellement du bail et l’article L. 411-31 qui se bornait, pour la résiliation, à renvoyer à ces cas.
Les juges avaient alors relevé que l’article L. 411-31 1° dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 13 juillet 2006 imposait, à peine de nullité, de rappeler les termes de ses dispositions dans la mise en demeure adressée au preneur. Or Yves n’avait pas satisfait à cette exigence. Les mises en demeure devaient être annulées.
L’épilogue
La décision est sévère pour Yves, mais au moins, Louis aura pu sauver son bail. Pour autant, il ne pourra échapper au paiement des fermages arriérés, faute de quoi, Yves sera en mesure de lui adresser une nouvelle mise en demeure, correctement rédigée cette fois.