Le droit de reprise est régi par les articles L.411-58 et suivants du code rural. Son objectif est de permettre de rompre le bail et de faire obstacle au droit de renouvellement du fermier en place.
Quel bénéficiaire
Le droit appartient au propriétaire (ou à l’usufruitier). Si les biens sont détenus par une société, la personne morale doit avoir un objet agricole et posséder les biens depuis neuf ans au moins (à l’exception des Gaec et des sociétés de famille jusqu’au quatrième degré inclus).
Pour lui-même, son conjoint ou ses descendants
Le propriétaire peut reprendre le bien loué pour lui-même, à condition qu’il n’ait pas atteint l’âge de la retraite à la date de la reprise. Une tolérance est accordée pour un retraité qui veut reprendre son bien afin de constituer une exploitation de subsistance, soit 2/5e de SMA (surface minimum d’assujettissement MSA) au maximum. Le bailleur peut exercer ce droit au profit d’un conjoint, de partenaire d’un Pacs (pas d’un concubin), mais surtout d’un descendant majeur (enfant, petit-enfant). La reprise n’est pas autorisée au profit d’un gendre.
Critères à remplir
Exploiter pour neuf ans au moins
Le bénéficiaire doit être en règle avec le contrôle des structures, c’est-à-dire disposer, selon les cas, d’une autorisation d’exploiter ou d’une simple déclaration lorsqu’il s’agit de biens familiaux, à condition de respecter certains critères (capacité professionnelle, détention des biens depuis neuf ans, terres libres…).
Il doit se consacrer à l’exploitation agricole pendant au moins neuf ans à titre individuel ou en société. Ce qui nécessite la participation aux travaux de manière effective et permanente, la possession du cheptel, du matériel ou, à défaut, des capitaux, et d’habiter sur le site ou à proximité. En cas de litige, cette notion est appréciée par les tribunaux en fonction des distances et des conditions de parcours, de la superficie de l’exploitation, du type de production. L’élevage exige une plus grande proximité que la culture céréalière. Le texte indique que le repreneur doit répondre aux conditions de capacité ou d’expérience professionnelle (diplôme agricole ou cinq ans d’expérience) ou d’obtention d’une autorisation d’exploiter.
Préciser les conditions de reprise
Le congé doit être envoyé par le propriétaire (article L.411-47 du code rural). L’usufruitier peut donner congé seul. En cas de fermiers copreneurs, il doit être notifié à chacun d’eux. Si la reprise a lieu en fin de bail, il doit être adressé au fermier au moins dix-huit mois avant le terme par acte d’huissier. La simple lettre recommandée est nulle et sans effet. Le congé doit mentionner expressément qu’il s’agit d’une reprise pour exploiter. Il doit indiquer les noms, prénoms, âge, domicile et profession du bénéficiaire et reproduire les termes de l’article L.411-54 alinéa 1 du code rural, ouvrant la possibilité au fermier de le contester. Le preneur doit porter la contestation devant le tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) dans les quatre mois de sa réception, sous peine de forclusion (extinction de l’action). Le repreneur apportera la preuve qu’il remplit les conditions de la reprise et notamment qu’il se trouve dans celles permettant une exploitation effective du fonds. Le tribunal pourra surseoir à statuer en attendant l’autorisation d’exploiter.
Contester a posteriori
Si le locataire évincé s’aperçoit a posteriori que la reprise est abusive, il peut encore agir. L’action est recevable s’il établit que le bénéficiaire ne satisfait pas à ses obligations ou que le propriétaire n’a exercé la reprise que dans le but de faire fraude à ses droits (vente du bien, vente d’herbe sur pied…). C’est au preneur de prouver la défaillance. Il peut obtenir des dommages et intérêts en cas de préjudice ou, plus rarement, la réintégration (sous condition de superficie). Isabelle Lejas