L’histoire
Olivia, propriétaire d’un ensemble de parcelles de terre, les avait données à bail à Romain. Ce dernier les avait mises à la disposition d’une EARL, dont son fils, Benoît, devenu associé, était le gérant. Après plusieurs années de mise en valeur des parcelles, Romain avait senti la fatigue peser sur ses solides épaules et avait laissé Benoît exploiter les parcelles dans le cadre de son installation.
Le contentieux
Estimant que Romain avait apporté son droit au bail rural à l’EARL, sans son agrément, Olivia avait saisi le tribunal paritaire de baux ruraux d’une demande de résiliation du bail. Pour Olivia la sanction s’imposait. Sa demande était fondée sur l’article L. 411-38 du code rural : le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société d’exploitation agricole qu’avec l’agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier. Aussi, faute d’agrément personnel exprès ou tacite du bailleur, l’apport s’assimile à une cession prohibée, susceptible d’emporter la résiliation du bail.
Olivia était restée dans l’ignorance de la situation et n’avait nullement donné son accord à la transmission du bail au fils de Romain et encore moins à l’EARL. Pourtant, les juges d’instance et d’appel avaient écarté la résiliation du bail sollicitée par Olivia. La non-participation effective de Romain à l’exploitation des terres affermées mises à la disposition de l’EARL, et exploitées par son fils, ne lui portait pas préjudice puisqu’elle n’avait allégué aucun défaut d’entretien ou d’exploitation des terres.
Saisie la haute juridiction n’a pas retenu l’apport du droit au bail invoqué par Olivia. Elle s’est placée sur le terrain de la mise à disposition, visée à l’article L. 411-37, et elle a censuré la décision des juges du fond. Le preneur qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participe plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, abandonne la jouissance du bien loué à cette société et procède ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. Aussi, le bailleur peut-il solliciter la résiliation du bail sur le fondement de l’article L. 411-31, II, 1° sans être tenu de démontrer un préjudice.
L’épilogue
La cour de renvoi ne pourra que constater qu’en abandonnant la jouissance des terres affermées et en laissant leur exploitation à l’EARL, gérée par son fils, Romain a procédé à une cession du bail à la société, ce qui est prohibé par le statut du fermage. Une solution était pourtant envisageable. Avant de cesser de participer aux travaux, Romain aurait dû saisir la bailleresse d’une demande de cession du bail à son fils. En cas de refus, le tribunal paritaire aurait pu trancher en sa faveur.