L’histoire
Par un acte du 21 juillet 1994, Joseph avait donné à bail à Gaétan diverses parcelles agricoles. Vingt-cinq ans plus tard, Joseph, par acte du 20 décembre 2019, avait donné congé à Gaétan aux fins de reprise par son fils Paul à effet au 24 décembre 2021.
Le contentieux
Gaétan, qui avait l’intention de poursuivre son activité d’agriculteur sur les parcelles louées, avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en contestation et en annulation du congé. Les lecteurs de La France Agricole connaissent bien les dispositions de l’article L. 411-59 du code rural, souvent invoquées à l’appui d’une demande d’annulation d’un congé pour reprise.
Selon ce texte, une série d’exigences pèse sur le bénéficiaire de la reprise : obligation d’exploiter, posséder le matériel et le cheptel et, à défaut, les moyens nécessaires pour les acquérir, habiter les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds loué et, enfin, être en conformité avec les règles du contrôle administratif des structures d’exploitation. Il appartient au bailleur, qui a délivré le congé, de rapporter la preuve que le bénéficiaire remplit les conditions prescrites. En la cause, Gaétan avait fermement soutenu que Paul, bénéficiaire de la reprise, ne remplissait pas la condition relative à la détention du matériel nécessaire.
Mais Joseph s’était défendu en soulevant une question de procédure, qu’il considérait comme imparable. Gaétan, qui avait contesté la validité du congé, n’avait pas mis en cause Paul, bénéficiaire de la reprise, dans la procédure devant le tribunal. Or, selon l’article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. La défense étant un droit naturel, personne ne doit être condamné sans avoir été interpellé et mis en demeure de se défendre. Aussi, Gaétan qui avait saisi le tribunal paritaire en annulation du congé aurait dû mettre en cause Paul, désigné dans le congé comme bénéficiaire de la reprise. Mais les juges avaient donné raison à Gaétan et annulé le congé, bien que Paul n’eût pas été mis en cause devant le tribunal.
Saisie, la haute juridiction a répondu, par un motif de principe, que le preneur à bail rural, agissant en contestation du congé aux fins de reprise pour exploiter délivré par le bailleur, n’est tenu de mettre en cause à l’instance que ce dernier, qui a seul, par cet acte, manifesté sa volonté de rompre le bail.
L’épilogue
Gaétan n’avait donc pas à mettre en cause Paul, bénéficiaire de la reprise, devant le tribunal paritaire à l’occasion de l’instance en annulation du congé reprise. Le congé étant annulé, il pourra poursuivre la mise en valeur des parcelles données à bail jusqu’au prochain renouvellement.