Dès mai 2021, des problèmes de phytotoxicité ont été observés dans certaines parcelles de betteraves après application de deux herbicides de la société Adama : Goltix Duo (et sa déclinaison commerciale Tornado Combi) et Marquis. L’enquête qui a suivi a permis d’identifier deux problèmes de contamination distincts.

Des erreurs « lors des étapes de formulation et de conditionnement »

D’une part, la présence de diflufenican (DFF) dans six lots de Goltix Duo. Cette molécule herbicide est approuvée dans l’Union européenne sur céréales et pommes de terre, mais pas sur betteraves. D’autre part, la contamination de deux lots de Marquis par trois substances actives interdites dans l’Union européenne, à des taux variables. L’ensemble de ces lots a été jugé non conforme.

 

Selon le ministère de l’Agriculture, cette situation serait liée « à des erreurs lors des étapes de formulation et de conditionnement des produits », dans les usines de la société en Israël. Plus de 1 000 planteurs sont ainsi concernés.

Principe de précaution

Adama France a bloqué les ventes et l’utilisation de ces produits le 21 mai 2021 pour le Goltix Duo et le 23 juin 2021 pour le Marquis. « Dès que nous avons eu connaissance­ du problème, la décision a été de ne prendre aucun risque sur le plan de la sécurité alimentaire et la DGAL (1) nous a suivis en ce sens », indique Olivier Leducq, directeur de Tereos Sucre Europe. Il souligne que « la démarche a été menée de manière très concertée dans le cadre de l’interprofession ».

 

Ainsi, à la mi-août, le ministère de l’Agriculture a « fait le choix de la précaution et a ordonné la destruction des parcelles traitées » avec les lots de Marquis non-conformes. 6 900 hectares sont concernés, dans les Hauts-de-France et le Grand-Est.

 

Les opérateurs de la filière, en lien avec l’ITB (2), ont proposé aux 365 planteurs deux options : une destruction 100 % mécanique (effeuillage, destruction des racines avec un outil animé, ensuite plusieurs passages d’un outil à disques, suivis­ d’un possible labour) ou chimique (produits à base de glyphosate) puis mécanique.

 

En ce qui concerne les lots contaminés de Goltix Duo, la DGAL n’a pas jugé nécessaire de procéder à la destruction des betteraves au vu des analyses réalisées par l’Anses (3). Les cultures sont, donc, menées jusqu’à leur terme, malgré les baisses de rendements liées à la phytotoxicité des produits.

 

Adama France annonce avoir réalisé, via une agence indépendante, des analyses de résidus sur 129 parcelles représentatives. Les résultats « démontrent que pour chacune des betteraves prélevées […], le taux de DFF, que ce soit dans les racines ou dans les feuilles, est inférieur à la LMR (limite maximale de résidus) autorisée pour les betteraves ».

Logistique coûteuse

Toutefois, le débouché alimentaire (humain et animal) a été exclu pour les betteraves issues des parcelles contaminées avec le Goltix Duo. « Elles seront transformées en bioéthanol, et les pulpes seront traitées dans des méthaniseurs, signale Olivier Leducq. Cela va entraîner des coûts logistiques très importants, car certaines betteraves vont faire 200 km. » En effet, ces betteraves sont isolées et traitées séparément dans deux usines du groupe en début et fin de campagne : à Bucy-le-Long (Aisne) et à Artenay (Loiret).

 

Chez les adhérents de Tereos, plus de 4 000 hectares sont concernés. Le groupe va également transformer des betteraves de Saint Louis Sucre, qui ne dispose pas d’unité de production de bioéthanol. Même son de cloche chez Cristal Union : les 3 200 hectares de « betteraves Goltix », répartis sur l’ensemble de sa zone de collecte, ont été traités à part en pré-campagne, sur les sites de Sillery (Marne), Arcis-sur-Aube (Aube) ainsi que Corbeilles-en-Gâtinais (Loiret).

 

> À lire aussi : Des volumes « incertains » en betteraves (17/09/2021)

Indemnisations « en bonne voie »

Les discussions à l’amiable autour du sujet de l’indemnisation « sont en bonne voie » et « se déroulent dans un état d’esprit constructif », estime Cyril Cogniard, président de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) Champagne-Bourgogne. Pour l’heure, rien n’est arrêté, et le syndicat « reste prudent » sur ce sujet, dans l’attente d’un accord finalisé. L’objectif est d’indemniser les planteurs à hauteur de ce qu’ils auraient perçu sans l’application des lots non conformes et de prendre en compte d’autres éléments (frais de destruction…).

 

Au-delà des planteurs concernés, l’objectif est aussi de trouver un accord permettant de réparer le préjudice industriel (pertes sèches, surcoûts liés au traitement différencié des betteraves…). Un élément important pour que le préjudice ne se répercute pas sur l’ensemble des coopérateurs.

 

« Nous tirons toutes les leçons de cette situation et nous restons déterminés à tout mettre en œuvre pour préserver une solution de confiance solide et pérenne », déclare, pour sa part, l’entreprise Adama France. Il est encore trop tôt pour les acteurs de la filière pour estimer l’ensemble des préjudices liés au Goltix Duo. « S’agissant des betteraves totalement détruites, nous sommes optimistes quant au versement d’un premier acompte au 30 novembre prochain », a indiqué Cristal Union à ses coopérateurs.

 

> À lire aussi : Destruction de betteraves, les ETA demandent réparation à Adama (26/08/2021)

 

(1) Direction générale de l’alimentation.

(2) Institut technique de la betterave.

(3) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.