Lamberville, Lammerville, Bacqueville-en-Caux et Saint-Mards. Situées dans un périmètre de quatre kilomètres, ces quatre communes de la Seine-Maritime ont toutes été sinistrées par les flammes. Sept hangars agricoles abritant du lin, de la paille, du foin et du matériel agricole ont été en proie à des incendies depuis août 2023. Et toujours avec le même scénario.

Lamberville, Lammerville, Bacqueville-en-Caux et Saint-Mards. sont situées dans un périmètre de quatre kilomètres les unes des autres. (©  Google Maps)

Sept incendies

« Tout a brûlé, il ne reste plus rien, relate encore sous le choc Jean-Baptiste Blondel, éleveur à Saint-Mards. Vers 21 heures le 10 octobre 2024, son beau-fils a vu le hangar de 450 m² prendre feu. Quelque 1 100 boules de paille y étaient stockées pour constituer la litière et alimenter les cinquante charolaises et soixante-dix romanes qu’il élève avec son épouse Éline.

Le 10 octobre 2024 vers 21 heures, le hangar de Jean-Baptiste et Eline Blondel a pris feu. (©  Jean-Baptiste Blondel)

Au même moment, six kilomètres plus au nord, un second incendie dans une exploitation agricole se déclarait. Cette fois-ci, à Lammerville, une commune de 340 habitants à majorité agricole, comme ses voisines. La maire Blandine Das témoigne : « Tout a été détruit très vite. Le hangar a pris feu le soir, avec une fois encore du lin, de la paille, du foin et du matériel agricole. Je suis révoltée, c’est tellement gratuit. »

Fatigue mentale

Lammerville n’en était pas à son premier incendie. Le 25 août 2023 au soir, un bâtiment agricole de 900 m² contenant cent cinquante tonnes de lin a entièrement brûlé. Cinq jours plus tôt, à quatre kilomètres de là, c’est à Lamberville qu’une exploitation a été touchée.

Cet incendie a marqué le début d’une longue série. Au total, sept feux ont eu lieu, et « on craint qu’il y en ait d’autres, s’inquiète Jean-Baptiste Blondel. J’ai peur de charger ma paille et qu’une personne mal intentionnée me repère. Je suis fatigué mentalement et loin d’être le seul. »

Exploitations sous tension

« Une psychose est en train de s’installer dans les communes, alerte la maire Blandine Das. Ce type d’actions n’entraîne pas seulement un préjudice financier. Il traumatise les familles et les autres agriculteurs qui ont désormais tous la trouille. Il y a une suspicion ambiante. Tout le monde se demande : “Qui est le coupable” ? »

Emmanuel Dubosc, maire de Saint-Mards, va plus loin encore. « Ma crainte est qu’un jour, un agriculteur en voulant se protéger, blesse quelqu’un qui passe à côté d’un bâtiment. Car il y a beaucoup de peur, mais aussi de colère. Cette tension devient inquiétante ! »

Même scénario

Son premier adjoint, Jacques-Nicolas Ferrand, partage également ses inquiétudes. « On est tous dégoûtés. On travaille toute l’année, on ne compte pas nos heures, on subit les contraintes réglementaires et administratives, les pluies, et là, tout part en fumée. Le risque est qu’on se fasse justice soi-même. »

Éleveur, Jacques-Nicolas Ferrand a lui aussi était touché par un incendie. Dans la nuit du 8 au 9 mars dernier, son hangar de 770 m² a brûlé avec 110 tonnes de lin, 40 tonnes de paille et une dizaine de tonnes de foin. Le même soir, à Bacqueville-en-Caux, un autre hangar isolé a brûlé avec de la paille à l’intérieur.

« Avec les vols que j’ai déjà subis, je ne mettais plus aucun matériel de valeur, témoigne Jacques-Nicolas Ferrand. 350 000 euros de préjudice financier quand même, ce n’est pas rien. Donc c’est décidé, je vais m’équiper de caméras. »

L'incendie qui a touché le hangar agricole de Jacques-Nicolas Ferrand à Lamberville a engendré un préjudice financier de 350 000 euros. (©  Jacques-Nicolas Ferrand)

Partage d’informations

Malgré la solidarité qui s’est mise en place entre agriculteurs et le renforcement de la communication entre maires et gendarmerie, l’inquiétude grandit sans nouvelle de l’enquête en cours. Sept plaintes ont été déposées pour les sept incendies. Mais pour l’heure, aucune mesure n’a été mise en place pour garantir la sécurité des exploitations.

Alexandre Dartyge, président cantonal de la FDSEA du territoire de Caux (FDSEA 76), tente de faire bouger les lignes. En plus d’avoir créé un groupe WhatsApp de partage d’informations entre adhérents, il vient d’entreprendre une démarche auprès de la coopérative locale « Terre de lin ». Il espère trouver un accord pour que les agriculteurs livrent leur matière première plus rapidement, afin de limiter les stocks et ainsi le risque en cas de nouvel incendie.

Des caméras de surveillance

La semaine prochaine, fin octobre, une réunion aura lieu sur les vols et les incendies dont sont victimes les agriculteurs de la Seine-Maritime depuis la fin d'août 2023. « La chambre d’agriculture, le président de la Communauté de communes et les agriculteurs des différents cantons seront présents, liste Alexandre Dartyge. Nous avons également invité le député, les maires des communes impactées et de celles en périphérie. »

L’objectif de cette réunion est « de répondre aux inquiétudes en réfléchissant à des solutions, explique-t-il. Nous sommes par exemple en train de faire des devis pour un achat groupé de caméras de surveillance. J’espère que nous pourrons, ensemble, soulager un peu les craintes. »