La proposition de taxer la viande rouge est une idée qui gagne du terrain, même aux portes de la Commission européenne. Il y a quelques semaines, un des conseillers scientifiques en chef de l’exécutif européen, le Belge Éric Lambin, se montrait favorable à cette démarche dans une interview. Pour y répondre, Jacek Zarzecki, vice-président de la section viande bovine du Copa-Cogeca (syndicat des exploitants et coopératives agricoles européens) a pris sa plume et égrainé en quatre points pourquoi il ne faut pas se « faire avoir par une idée simpliste ».
Une mesure « injuste »
Dans la première partie de son analyse, Jacek Zarzecki pointe l’utilisation de la taxe pour orienter les choix des consommateurs. Pour l’éleveur polonais, ce levier va avant tout « orienter les consommateurs vers d’autres types de viande ». Il ajoute que « taxer lourdement la viande empêcherait les classes sociales qui luttent pour joindre les deux bouts d’avoir accès à un élément nutritif d’une alimentation équilibrée », anticipe-t-il. Jacek Zarzecki estime en outre que ce serait un moyen de favoriser les viandes de synthèse « ultra-transformées » et d’orienter les familles moins favorisées vers des aliments « avec peu de nutriments et des taux caloriques élevés ».
L’exode rural favorisé
Pour Jacek Zarzecki, taxer la viande rouge briserait les efforts des éleveurs qui transforment leurs fermes depuis des années. Mais il va plus loin : « Cela aggraverait le problème déjà critique de l’exode rural et du renouvellement des générations, à commencer par les plus petites de nos exploitations familiales », estime-t-il.
Et si l’objectif d’une telle taxe est de faire baisser l’élevage bovin au profit de cultures, le syndicaliste prévient que pour beaucoup de terres en Europe « il serait pratiquement impossible et extrêmement coûteux d’un point de vue environnemental et climatique de planter des cultures arables ». Rappelant aussi la diversité du territoire européen et les services rendus par l’élevage dans certaines régions.
Une baisse des standards
Jacek Zarzecki prend ensuite un peu de hauteur en estimant l’impact d’une telle taxe sur les marchés internationaux. En effet il anticipe qu’elle accélérerait la délocalisation de la production bovine vers des pays tiers d’une part et que l’Europe compenserait l’effet de cette taxe en important des produits dégradés en qualité depuis les pays tiers.
Contre les traités européens
Pour conclure, Jacek Zarzecki fustige une décision qui irait à l’encontre des fondements de l’Union européenne et de la Pac qui doit assurer « la disponibilité des approvisionnements en denrées alimentaires et garantir que les denrées alimentaires parviennent aux consommateurs à des prix raisonnables » rappelle-t-il. Il ajoute enfin que les orientations de l’Europe via sa stratégie « Farm to Fork » vont déjà faire augmenter le coût alimentaire et s’interroge. « Comment pourrait-on encourager une hausse supplémentaire des prix avec une taxe supérieure à 10 % sur tous les produits carnés ? ».